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1er mai 1999

La Tribune des Verts n°5
Pour une Europe active au Kosovo
Il a fallu choisir, et nous avons choisi. Un choix tragique entre deux valeurs, devenues, par la faute de Milosevic, antagoniques : la non-violence, et les droits humains. Comme le dit le M.A.N. : " Une force d’interposition militaire s’avérera probablement nécessaire (?).

Lorsque, pour les États, le choix, face à des violations caractérisées des droits de l’Homme, n’est qu’entre la violence et la lâcheté, mieux vaut encore qu’ils choisissent la violence, dès lors qu’elle permet effectivement de parvenir à un moindre mal. " La justesse de ce choix du CNIR des Verts fut confirmée après coup par le " Gandhi des Balkans ", Ibrahim Rugova, enfin libéré : il faut, pour que les Kosovars retrouvent leur pays, une force d’interposition au sol, appuyée, s’il le faut, par des bombardements

Le choix de la non violence reste infiniment respectable et nous le respectons : ce débat n’a-t-il pas perduré jusqu’au cœur du ghetto de Varsovie ? René Dumont persiste sur notre liste, comme bien d’autres, tout en réaffirmant son pacifisme absolu. Mais, à la critique légitime de l’intervention, il y a une limite, absolue elle aussi : le refus de ce négationnisme en direct des défenseurs français du nationalisme serbe, qu’illustre l’ignoble reportage de Régis Debray niant ce fait massif : le massacre et la déportation de tout un peuple par un État, appuyé hélas par une population gorgée de propagande ethniciste. Face à ces ignominies, il faut lire les textes des démocrates et défenseurs des Droits de l’Homme venus de Serbie, sur le site du Courrier des Balkans.

Il y a une autre limite : le refus de la " jurisprudence de l’injustice ". Il ne faudrait pas intervenir pour les Kosovars, parce qu’on n’est pas intervenu pour les Kurdes (ce qui est faux, du moins en Irak), pour les Palestiniens, contre l’Apartheid ? ! Ni Arafat, ni Mandela ne nous ont demandé de bombarder qui que ce soit, et les lâchetés du passé ne dispensent pas du courage de demain.

Mais nous n’en devons que plus d’exigence envers l’intervention elle-même. La violence militaire ne peut avoir qu’un but : refouler la purification ethnique, rétablir le peuple du Kosovo dans ses droits, instaurer une paix durable dans les Balkans. Pour cela, il aurait fallu, il faut toujours que la " force d’interposition " intervienne au sol, avec ou sans la permission de Milosevic, et jusqu’à la frontière nord du Kosovo. Et, faute de cette " permission " bien improbable, il lui faudra une couverture aérienne, il lui faudra s’appuyer sur ceux qui résistent encore au Kosovo.

Or, la stratégie de force a tourné le dos, dès le début, à ces impératifs. Des frappes, pour appuyer l’interposition, oui. Des frappes, sans l’interposition, c’est la stratégie de la " punition ", de la pression sur les populations civiles pour intimider le dictateur : des crimes de guerre comme monnaie d’échange face aux crimes contre l’humanité. Mais les crimes de guerre ne peuvent ralentir d’un jour l’épuration ethnique et rendent chaque jour plus difficile la reconstruction physique et surtout morale de la Serbie. Arrêter les frappes sans condition, c’est aujourd’hui ratifier la victoire de Milosevic. Les continuer sans rien faire d’autre, c’est subir sa victoire en s’enlisant dans l’illégitimité.

Malheureusement, aucun gouvernement européen, sauf celui de Tony Blair, n’est partisan de l’intervention au sol. Le choix de la guerre téléguidée n’est pas une conspiration de l’impérialisme américain, mais un choix timoré de l’Europe des gouvernements. Mercenaires aériens d’une Europe inconséquente, les États-Unis imposent leur tarif : le sabotage de toute initiative (comme le plan Fisher) qui mettrait en selle l’identité de l’Europe, la coopération de la Russie, le rôle des Nations Unies (et donc la neutralité de la Chine).

Cette alliance objective de la passivité européenne et de la routine militaire américaine débouche aujourd’hui sur une impasse : " Bombardez, bombardez, il en restera toujours quelque chose. " Oui : la délégitimation de l’OTAN et la victoire totale de Milosevic !

L’Europe doit se ressaisir. Sans rien abandonner de ses objectifs, elle doit enfin en assumer les moyens : ouvrir en même temps des fenêtres de négociation et préparer politiquement et pratiquement les conditions d’une intervention au sol, au secours non seulement du Kosovo mais du Montenegro. De ce point de vue, la décision d’offrir à cette république la perspective d’association à l’Union européenne est une excellente chose, qui vaut pour tout pays des Balkans renonçant aux idéologies de haine ethnique.

Ouvrir les fenêtres diplomatiques, c’est proposer, comme le plan Fisher le fait, la suspension des bombardements dès que Milosevic acceptera, au moins dans le principe, les cinq conditions de l’OTAN et de l’ONU. Mais on pourrait songer à une diplomatie encore plus offensive : proposer simultanément une trêve unilatérale de quelques jours pour ravitailler les populations civiles au Kosovo, etc.

Quant à la couverture juridique de l’intervention, il faut être clair : celle de l’OSCE (c’est à dire l’OTAN plus l’Europe de l’Est, Russie comprise) est infiniment plus importante que celle de l’ONU. L’ONU a légalisé la Guerre du Golfe, mais livré Srebrenica au génocide. L’ONU n’est pas un le temple du Droit. Elle est pour l’instant incapable de respecter sa propre Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. L’OSCE, en revanche, qui prolonge la Charte d’Helsinki, est le cadre nécessaire pour une régulation des conflits en Europe, pour une future Conférence Balkanique.




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