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par Alain Lipietz | 7 mai 2009

Alda ! Cahier n° 2, Enbata n° 2077
Temps de travail et enjeux écologiques
Voici l’interview d’Alda ! sur le thème que développera Alain Lipietz lors de sa conférence au Pays Basque : “Réduction du Temps de Travail et enjeux écologiques” !

Que doit-on entendre par la "réduction du temps de travail" ?

“La réduction du temps de travail peut se faire par jour, par semaine, par mois ou sur l’ensemble de la vie. Ces 4 possibilités ont marqué l’histoire du mouvement ouvrier.

Je pense qu’aujourd’hui après l’expérience de réduction hebdomadaire plus ou moins annualisée des années Jospin (début des années 2000) le grand objectif est de re-avancer l’âge de la retraite qui a été reculée par la droite qui a succédé à Jospin. Pourquoi ? Car l’expérience de réduction hebdomadaire a été un peu polluée par l’annualisation et par l’accroissement de la pression sur le salarié ! Finalement c’est après la retraite qu’on est tranquille…

En fait, l’idée fondamentale est qu’à une certaine politique économique correspond un certain volume d’activité. Savoir combien de personnes vont avoir un emploi compte tenu du volume d’activité que permet une politique économique dépend du nombre d’heures que chacun travaille.

On peut répartir ces heures sur un petit nombre de travailleurs en faisant le plus de chômeurs possibles de façon à faire pression sur ceux qui travaillent afin qu’ils acceptent des salaires plus bas. C’est ce que fait Sarkozy avec la défiscalisation des heures supplémentaires. Il encourage à garder les gens qui travaillent longtemps et à maximiser nombre de chômeurs…

Au contraire, le partage du travail consiste à dire que pour le volume d’heures travaillé correspondant à une politique économique on préfère répartir ces heures sur le plus de monde possible pour que chacun puisse avoir une activité lui permettant de vivre, d’avoir un pouvoir d’achat et de se justifier et se situer dans la société par rapport à lui-même et à son activité.”

En quoi est-elle une réponse à la crise, au chômage et à la pauvreté ?

“La crise actuelle est double. Elle est à la fois sociale (entre 2007 et 2008 les salariés les plus pauvres aux USA n’ont pas pu rembourser l’emprunt lié à leur logement) et écologique (les salariés les plus pauvres n’ont plus remboursé car il y a eu une explosion du coût des matières premières, aliments, des énergies (pétrole, etc.))…

Pour sortir de cette double crise, il faut changer la répartition de la richesse mondiale entre les salaires et les profits (en augmentant la part allant aux salaires) sans que cela entraîne une explosion de la consommation qui ferait exploser les prix du pétrole et des aliments.

La seule façon de faire cela consiste à diminuer le temps de travail avec un maintien ou une légère augmentation des bas salaires permettant d’avoir un déplacement du rapport entre salaires et profits sans qu’il y ait pour autant une relance massive de la consommation de biens matériels et donc sans aggraver la crise écologique.

La crise étant liée à une richesse qui se concentre sur un petit nombre de capitalistes alors que les salariés ne sont pas assez payés... pour en sortir il faut modifier le partage de la valeur ajoutée.

Le “plus” pour les salariés passe par l’augmentation du salaire horaire (chaque heure de production allant en partie pour le salaire et en partie pour le profit)… Si en même temps on veut lutter contre la crise écologique, il faut diminuer le nombre d’heures travaillées inividelles. Cela revient à augmenter le pouvoir d’achat mensuel en réduisant le temps de travail.

Une des formes de réalisation de la réduction du temps de travail (certes ce n’est pas la meilleure) est actuellement utilisée par les entreprises qui pour éviter de trop licencier réduisent le temps de travail sous forme de chômage technique. Le gouvernement, sous la pression des luttes, augmente l’indemnité du chômage technique (ce qui revient à une réduction du temps de travail)...”

En quoi la réduction du temps de travail est la seule réponse aux impératifs écologiques ?

“La réduction du temps de travail est la façon la plus simple de créer l’emploi sans aggraver la crise écologique. Mais, la lutte contre la crise écologique va en elle-même créer un tas d’activités : développement de l’agriculture biologique, l’isolation des logements, transports collectifs, etc. qui sont énormément créatrces d’emplois…”

Pourquoi le "travailler plus pour gagner plus" est une aberration économique, écologique et humaine ?

“C’est une ruse de Sarkozy pour apparaître au yeux des ouvriers comme quelqu’un qui leur trouvait une solution pour augmenter leur pouvoir d’achat. C’était aussi une façon de dire que c’est bien de travailler et cela contribuait à la revalorisation de l’estime de soi des ouvriers… alors qu’un certain discours de gauche des années 80 à 2000 n’avait pas assez pris en compte cet aspect "les travailleurs aspirent à être fiers de leur travail !"…

Dans la réalité cette formule dit le contraire de ce que le mouvement ouvrier souhaite depuis 2 siècles ! Soit le “Travailler moins pour gagner autant ou plus”…

Le “Travailler plus pour gagner plus” incitait les patrons à faire travailler plus ceux qui avaient un emploi plutôt que d’embaucher. C’est une politique de subventionnement à la création du chômage de façon à faire pression sur les salariés…

Dans le cadre d’une bataille électorale et de propagande, les gens en ne réfléchissant pas trop ont pour certains voté pour Sarkozy à cause de cet argument-là… Mais bon, 6 mois après ils étaient tous contre… Ça arrive à tout le monde de faire des erreurs !”

Certains experts disent qu’à l’heure où le prodigieux dynamisme de l’espèce humaine se heurte aux limites de la biosphère et met en danger son avenir, il est indispensable de respecter en priorité les enjeux écologiques. Quels sont les risques immédiats... et les priorités écologiques à considérer ?

Cette crise écologique pèse sur le pouvoir d’achat ! Si on revient à l’ancien modèle de développement, le produire pour plus pour consommer plus, comme ce qui se passait en 2006, en 2000 au meilleur de la période Jospin, ou en 1975 après le 1er choc pétrolier, on revient à la cause qui a provoqué cette crise au premier semestre 2008 : l’épuisement des ressources naturelles ! C’est-à-dire l’explosion du prix du pétrole et des aliments, l’accélération formidable de la production du gaz à effet de serre qui modifie le climat, cette modification qui provoque la faim (l’agriculture devient moins productive, le grenier à riz du monde brûle en Australie), etc.

L’urgence de la mobilisation pour sauver le climat n’a pas été comprise au niveau hexagonal ou européen par les grands partis ! Nos enfants et nous-mêmes dans quelques années, nous nous poserons la question : qu’est-ce qu’on a fait pour enrayer le réchauffement climatique entre 2009 et 2015 ? Quelle suite avons-nous donnée aux recommandations du GIEC de 2007 ?

De façon schématique, une crise sociale incite les “pauvre” à mener une bataille pour devenir “riches”… Certes ça peut prendre du temps,et ce délai est désagréable… mais la victoire résout le problème ! Par contre, une crise écologique, c’est comme un tube de dentifrice, une fois que le dentifrice est sorti on ne peut plus le rentrer (idem avec le CO2 ! ). Actuellement on ne peut plus éviter une augmentation de +2 degrés de la température de la planète . Maintenant l’enjeu des 5-10 années à venir c’est : est-ce qu’on va vers + 4 degrés ? Les solutions aux crises écologiques sont non rétroactives…

À l’heure où les mobilisations sociales on pour principale priorité la sauvegarde de l’emploi (peu importe que ce soit des industries polluantes ou de l’armement...) comment relier cette double préoccupation (écologique et sociale) sans paraître déconnecté de l’urgence ressentie par les gens ?

“Dans la plupart des cas la conversion écologique peut se faire dans la même usine ou la même entreprise. On nous dit "Il faut sauver l’industrie automobile". Certes, mais pas en faisant des automobiles… en faisant des autobus, des tramways, des trains, etc ! C’est à peu près la même industrie. Des entreprises qui produisent des voitures produisent déjà des autobus. Donc si on dit "Pour sauver la planète il faut absolument basculer massivement vers les transports en commun"… on prend les usines automobiles et on les convertit !”




Sur le Web : Sur le site de la Fondation Manu Robles-Arangiz - Alda !

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