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par Alain Lipietz | 13 janvier 2009

Intervention en plénière
Sur le 10e anniversaire de l’euro
Mesdames et Messieurs les Présidents, Monsieur le Commissaire, chers collègues,
En 1992, quand le vote des Français sur le traité de Maastricht était en débat, le Président de la Commission, Jacques Delors, était intervenu devant l’Assemblée générale des Verts, qui pouvaient apporter les quelques % manquants. Il nous avait dit : « Votez pour l’euro, ensuite viendra vite l’Europe politique, car si l’Europe politique ne se fait pas pour contrôler l’euro, les peuples ne l’accepteront jamais ». Il ne nous avait pas convaincu. Le traité de Maastricht est passé, l’Europe politique ne s’est pas faite. Et c’est le problème dans lequel nous sommes pris aujourd’hui : l’euro sans l’Europe politique a déçu les Européens, qui du coup ne votent plus pour l’Europe politique.

Pourquoi étions-nous contre l’euro, à cette époque ? Essentiellement pour deux raisons. Il nous semblait que les « critères de Maastricht » allaient entraîner l’Europe dans au moins une demi-décennie de politiques récessives, et deuxièmement, que la façon dont la politique monétaire se trouvait insérée dans la politique générale par le traité de Maastricht était insuffisante : au nom de l’indépendance de la Banque centrale, on séparait la politique monétaire du reste de la politique démocratiquement définie.

Je dois dire très franchement aujourd’hui que, si je ne suis toujours pas convaincu par le traité de Maastricht, je suis, comme la plupart des Verts, plutôt séduit par les évolutions qu’ont connu la législation et la pratique de l’Union économique et monétaire. Trois grands changements sont intervenus.

Premièrement, la fixation officielle de la « stabilité des prix » à un niveau « au dessous mais proche de 2% ». Cet objectif de stabilité pouvait sembler laxiste. Mais aujourd’hui la déflation menace le monde, aggravée par la tendance de certains pays à baisser précipitamment leur taux de TVA dans le cadre d’une politique keynésienne. Cet objectif de 2% de hausse des prix n’est plus une clause de maximum à ne pas dépasser, mais de minimum à atteindre. Si nous n’arrivons pas à tenir ces 2%, nous courons le risque de taux d’intérêts réels fortement positifs en dépit de la baisse des taux nominaux.

Deuxième grande réforme, évidement, c’est la réforme du pacte de stabilité, intervenue en 2005, qui nous permet aujourd’hui d’avoir des politiques nationales mais coordonnées de déficit budgétaire et d’endettement contra-cyclique, contre la crise en cours.

Troisième grande évolution, la transformation de la pratique : le dialogue permanent, qu’illustre encore cette tribune, entre Monsieur Trichet, Monsieur Almunia, Monsieur Junkher et Monsieur Barroso, était à la lettre contraire au traité même de Maastricht qui interdisait aux trois derniers de « chercher à influencer » le premier. Je considère que cette forme de coopération entre Messieurs Trichet et Almunia, par exemple, équivalente à celle entre Messieurs Bernanke et Paulson, représente une évolution positive et raisonnable.

Alors que reste-t-il à faire ? Tous simplement appliquer vraiment les « bons » aspects du traité de Maastricht. Nous avons d’abord un vrai problème avec la définition du taux de change, cela a été dit plusieurs fois par les orateurs précédents. La fixation du taux de change est attribuée au Conseil : nous devons trouver les moyens pour que le Conseil fixe un taux de change de l’euro conforme à l’intérêt des Européens, qui ne résulte pas aléatoirement du choix du taux d’intérêt par la Banque centrale européenne, mais soit véritablement l’expression d’une politique, notamment de compétitivité industrielle. Nous devons en trouver les instruments.

Deuxièmement, l’objectif de la Banque centrale n’est pas seulement d’avoir un taux d’inflation proche de 2%, mais c’est aussi d’appliquer la politique de l’Union, c’est à dire celle de Lisbonne-Göteborg. Et c’est essentiel dans les plans de reconversion impliqués par la crise actuelle : ils doivent viser une économie fondée sur l’intelligence et respectant l’environnement, notamment le climat. Cela implique une politique de refinancement et de réescompte des dettes privées par la Banque centrale en fonction des critères de Göteborg-Lisbonne, et non par ordre de notation décroissant.

Et troisièmement, mais cela a déjà été dit, il faut qu’il y ait une supervision financière européenne, et la Banque centrale est la mieux placée pour la réaliser.

Je vous remercie, mes chers collègues.



À noter :

Photo HaPe Gera, sous licence CC.

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