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par Hanif Vally | 11 janvier 2008

La paix avec la justice : l’amnistie en Afrique du Sud
LANGUE ET TRADUCTIONS DE L’ARTICLE :
Langue de cet article : français
  • English  :

    It should be noted that we became a democracy for the first time in April 1994, a mere 13 years ago. The legislation which established the Truth and Reconciliation Commission (TRC) in South Africa, the Promotion of National Unity & Reconciliation Act (The Act) was promulgated in 1995.

L’Afrique du Sud devint une démocratie, pour la première fois, en avril 1994, il y a à peine 13 ans. La législation qui mit en place la Commission Vérité et Réconciliation (Truth and Reconciliation Commission), la loi sur la Promotion de l’unité et de la réconciliation nationale, a été promulguée en 1995. Il est important de garder ceci en tête. Depuis cette période jusqu’à aujourd’hui, de nombreuses normes internationales ont été développées. Selon Louise Mallinder, il y a eu 420 processus d’amnistie depuis la seconde Guerre Mondiale, dont un grand nombre d’entre elles ces 25 dernières années [1].

Certains pensent que la forme qu’une procédure d’amnistie prend dans tel pays est liée aux forces en présence ou à l’équilibre des forces dans ce pays. Si l’un des deux côtés a écrasé l’autre, on aura l’équivalent de procès pour trahison ou une variante locale des procès de Nuremberg. Si les deux parties sont bloquées dans une situation de guerre civile ou si une des parties représente une menace pour l’autre, les conditions sont remplies pour une amnistie… Nous nous retrouvons face au problème opposant la paix à la justice. Cependant, le choix n’est pas aussi catégorique. Il est possible d’obtenir une forme de justice avec la paix. La justice ne doit pas être oubliée.

L’amnistie en Afrique du Sud

Quel était, à l’époque, en Afrique du Sud, le contexte conduisant à ce processus d’amnistie ? D’énormes attentes avaient vu le jour avec la libération de Nelson Mandela. Les négociations sur une nouvelle donne politique traînaient en longueur depuis 3 ans. L’extrême droite avait attaqué le lieu où se déroulaient les négociations. En complément des escadrons de la mort de la police, 300 autres hommes étaient entraînés puis lâchés par l’Etat sur les opposants politiques. Les supporters du mouvement de libération organisaient des actions de protestation contre le gouvernement de l’époque et contre la prolongation des négociations. Le gouvernement de l’apartheid contrôlait les forces armées et l’économie.

Des éléments inconnus, soupçonnés d’accord avec l’Etat, massacraient des gens dans les trains ou dans les stations de taxis. Le leader du parti communiste a été assassiné par les membres d’un groupe d’extrême droite. En résumé, le pays était dans une situation critique.

Les deux principales forces en présence, le Congrès national africain (ANC) et le gouvernement d’apartheid étaient bloqués sur la question de l’amnistie. L’ANC voulait que les gens soient jugés pour les violations importantes des droits de l’homme. Le gouvernement d’apartheid voulait une amnistie intégrale et prétendait même accorder une telle amnistie aux forces de sécurité. Cela fut rejeté d’emblée.

Un compromis fut trouvé sur une amnistie conditionnelle. Le compromis fut exprimé dans des termes généraux dans l’ « Epilogue », placé à la fin de la Constitution intérimaire :

Unité nationale et réconciliation  : La Constitution apporte un pont historique entre le passé d’une société profondément divisée caractérisée par la discorde, le conflit, les souffrances non dites et l’injustice, et un futur basé sur la reconnaissance des droits de l’homme, la démocratie et la coexistence pacifique ainsi que les opportunités de développement pour tous les Sud Africains, quels que soient leur couleur, leur race, leur classe, leur croyance ou leur sexe.

La poursuite de l’unité nationale, le bien-être de tous les citoyens sud africains et la paix requièrent la réconciliation du peuple d’Afrique du sud et la reconstruction de la société.

L’adoption de cette Constitution repose sur de solides fondements afin de permettre au peuple d’Afrique du Sud de transcender les divisions et désaccords du passé, qui ont engendré des violations graves des droits de l’homme, la transgression des principes humanitaires dans des conflits violents, et un héritage de haine, de peur, de culpabilité et de revanche.

Il est possible d’aborder ces problèmes sur la base d’un besoin de compréhension mais pas de vengeance, un besoin de réparation mais pas de revanche, un besoin d’ubuntu, [2] mais pas de victimisation.

Afin de faire avancer la réconciliation et la reconstruction, l’amnistie doit être accordée en fonction des actes, des omissions et des offenses liées aux objectifs politiques et commis au cours des conflits passés.

Cela faisait partie des trois piliers du compromis qui ont rendu possible l’accord négocié en Afrique du Sud [3]. Les voici :

- La clause d’amnistie dans la constitution intérimaire fut légitimée par le fait que c’est cette version qui encadra notre première élection démocratique. La législature ainsi élue écrivit la constitution finale.

- Le processus d’écriture de la Constitution en deux étapes

- Le Gouvernement d’Unité Nationale. Tous les partis ayant reçu au moins 10% des votes obtenaient un siège au cabinet.

Cela prit presque un an à la législature pour débattre de la loi établissant la commission Vérité et Réconciliation (CVR) et pour la promulguer. Le rôle de la société civile fut crucial au cours de ce processus : les deux partis politiques principaux voulaient que les audiences de la CVR soient tenues à huis clos. C’est seulement après un lobbying intensif des organisations de la société civile qu’il fut convenu que toutes les audiences seraient publiques et que les audiences à huis clos seraient exceptionnelles et conditionnelles.

Le processus de la Commission Vérité et Réconciliation.

Le principal objectif de cette loi était de “promouvoir l’unité nationale et la réconciliation dans un esprit de compréhension qui dépasserait les conflits et divisions du passé”.

La loi a établi trois comités :

Le Comité sur les violations des droits de l’homme, dont la fonction était de conduire des enquêtes sur les violations importantes des droits de l’homme et de présenter un rapport aussi complet que possible détaillant leurs violations au cours de cette période.

Le Comité sur la réparation et la réhabilitation dont la fonction était de rassembler l’information et de faire des recommandations au Président sur les réparations à faire aux victimes.

Le Comité amnistie qui avait juridiction pour accorder l’amnistie aux postulants qui auraient révélé entièrement tous les faits pertinents concernant les délits commis dans un objectif politique au cours des conflits passés.

La procédure d’amnistie.

L’amnistie civile et criminelle était accordée sur demande individuelle aux personnes qui avaient fait des révélations complètes sur les faits pertinents, dont l’action était proportionnelle à l’objectif visé (selon le principe de Norgaad), et qui démontraient que les actes criminels pour lesquels l’amnistie était demandée avaient été commis dans un objectif politique.

Le comité amnistie était présidé par un juge de la Cour Suprême. Un grand nombre de juges furent mutés au comité amnistie, et un juge devait présider chaque comité qui concernait une violation importante des droits de l’homme.

Les violations importantes des droits de l’homme furent définies comme incluant les meurtres, enlèvements, tortures et mauvais traitements sévères.

Les définitions des violations importantes des droits de l’homme et des victimes étaient politiquement neutres dans la mesure où elles ne dépendaient pas du côté où vous étiez. Par conséquent, un policier blessé par balles par un groupe de guérilla pouvait être une “victime” de la violation des droits de l’homme.

L’amnistie fut aussi étendue à l’Etat au nom duquel ces violations étaient perpétrées. En conséquence, l’Etat ne pouvait pas être indirectement tenu responsable des dommages civils pour un acte amnistié.

Quelques défis légaux.

Contrairement au système de Westminster sous la loi britannique (Common Law) [4], le Parlement n’était plus souverain. La Constitution imposait la procédure et des contraintes substantielles sur l’exercice du pouvoir pour les organes d’Etat, incluant la CVR. Dans un système comme le nôtre, les tribunaux déterminent si le pouvoir est exercé en accord avec la Constitution. Cela reste un principe constant. Le processus de la CVR reste lié par les standards des droits de l’homme assurés par la Constitution.

La CVR a rencontré un certain nombre de défis légaux. D’une façon générale, les questions concernant la légalité des clauses d’amnistie furent posées par les victimes et les questions sur la procédure furent posées par les présumés responsables des violations.

L’affaire la plus importante portée devant la Cour Constitutionnelle fut l’affaire AZAPO (Azanian People Organisation) contre le Président de la République Sud Africaine [5]. Les demandeurs, victimes de violations importantes des droits de l’homme (des membres de leur famille avaient été torturés et tués), ont remis en question la constitutionnalité de la loi qui autorisait l’amnistie. Ils soutenaient que ceux à qui on avait fait du mal avaient le droit constitutionnel de voir leurs demandes jugées par un tribunal. L’amnistie d’un coupable occulte le droit de demander la protection de la loi pour les personnes lésées.

La Cour Constitutionnelle a maintenu l’autorisation d’amnistie, elle-même autorisée par la Constitution. Elle s’occupa directement de la question de la gêne importante ressentie à voir libérés les responsables d’actes criminels.

Le raisonnement de la Cour fut le suivant. La loi autorisait les victimes à exprimer leur douleur publiquement, à recevoir la reconnaissance collective par une nouvelle nation de la violation de leurs droits, et, plus important, devait les aider à découvrir la vérité sur ce qu’il est advenu de leurs proches, dans quelles circonstances et qui était responsable. Sans l’avantage de l’amnistie, la vérité ne pouvait être connue. En outre, un accord négocié n’aurait pu être trouvé sans la motivation de l’amnistie. Conserver le droit de poursuite aurait laissé les victimes ignorantes de ce qui était arrivé à leurs proches. Le résultat serait que les victimes conserveraient un sentiment de ressentiment et de peine, et, tandis que les coupables seraient physiquement libres, eux resteraient en marge de la nouvelle société.

Pour que le processus fonctionne, il fallait une indemnité civile et une indemnité criminelle. La Cour a justifié l’indemnité de l’Etat pour les actes de ses agents dans le cadre de leurs fonctions en adoptant une interprétation assez large de la question de la réparation. Elle déclara que le nouvel Etat avait pour tâches la réconciliation et la reconstruction. Des générations d’enfants nés et à naître vont souffrir des conséquences de la pauvreté, de la malnutrition, de l’absence de domicile. Il faudra déployer les ressources de l’Etat avec imagination afin de libérer le potentiel du peuple. Des choix devaient être faits entre le respect des droits des victimes. Il fallait distribuer les fonds nécessaires à l’alimentation des personnes affamées, aux toits pour les sans-abris et aux installations pour l’éducation. Par conséquent, il était légitime que l’Etat favorise la reconstruction de la société, selon un concept large de « réparation ».

La Cour a aussi fait référence au besoin de réparation qui est due aux victimes.

Dans l’affaire « Du Preez contre la CVR », la Cour a soutenu que la Commission Vérité et Réconciliation « agit avec les contraintes d’une démocratie constitutionnelle”. Par conséquent, son action administrative doit être légale, raisonnable et suivre une procédure impartiale. [6]

L’impartialité procédurale ne requière pas seulement que la personne impliquée ait reçu un avertissement raisonnable et préalable de la tenue de l’audience, mais aussi qu’elle soit informée en même temps de la teneur des accusations portées contre elle, avec suffisamment de détails pour savoir sur quel sujet porte l’affaire. Une information suffisante dépend de chaque cas individuel. Ces procédures sont administratives, et non juridiques.

Conséquences pour les personnes qui n’ont pas demandé l’amnistie

Selon la législation de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), les personnes qui se sont vu refuser l’amnistie ou qui n’ont pas demandée à en bénéficier dans le cadre de la CVR seront poursuivies. L’Etat s’est montré très indulgent en matière de poursuites. Après les menaces de la société civile de s’engager dans une action légale pour forcer l’Etat à poursuivre les personnes tombant dans ces catégories, l’Etat a publié des « lignes directrices sur les poursuites » en décembre 2005. Une plainte remit en question ces lignes directrices, arguant que :

* La politique ainsi amendée implique que le Directeur National des Poursuites Publiques (DNPP) exerce discrétionnairement son pouvoir de poursuite, d’une façon qui reviendrait à une nouvelle mouture de la procédure d’amnistie sous l’ancienne CVR.

Elle prétend en effet conférer au DNPP des pouvoirs précédemment exercés par le comité amnistie de la CVR. Elle lui permet d’offrir une indemnité contre les poursuites. Cette indemnité contre les poursuites équivaudrait à une amnistie. Tandis que le DNPP n’a pas le pouvoir d’accorder l’amnistie à certains prisonniers, il a le droit effectif de fournir une indemnité de poursuite à d’autres (pouvoir précédemment conféré au comité amnistie de la CVR). Le résultat final est le même : il y a impunité [7].

* Cela revient à une tentative erronée de perpétuer le régime légal de la CVR, afin d’offrir une deuxième possibilité d’amnistie pour ceux qui n’en ont pas bénéficié dans le cadre de la CVR. Aucune loi n’autorisant l’extension de tels pouvoirs, ceci prendrait la forme d’un pouvoir discrétionnaire du procureur. Ce faisant, la politique interfère avec l’indépendance du DNPP sur le fait de poursuivre ou pas. La politique dessinée par les « lignes directrices » est inconstitutionnelle et viole les obligations de l’Afrique du Sud au regard du droit international [8].

Le Président Sud-africain, M. Thabo Mbeki, a annoncé le 21 novembre 2007 la création d’un « groupe de référence » composé de personnes désignées par les partis politiques, pour lui présenter des recommandations quant à l’accord de pardon pour les personnes purgeant une peine suite à des crimes politiques. Il s’agit de personnes qui n’ont pas demandé l’amnistie. Selon lui, 1062 demandes de pardon ont été reçues.

Conclusions

Louise Mallinder recommande [9] que les procédures d’amnistie nationales soient encadrées par les conditions suivantes : l’amnistie doit avoir une légitimité démocratique ; l’amnistie doit représenter un véritable désir de promouvoir la paix et la réconciliation ; les amnisties doivent être limitées à un cadre, excluant certains crimes ou étant réservées aux personnes participant à la restauration de la paix et de la démocratie ; l’amnistie doit être soumise à conditions, par exemple des aveux complets ou le fait d’avoir rendu les armes. Enfin, l’amnistie doit être accompagnée de réparations.

Diane Orentlicher, dans son rapport de juin 2007 [10], “Le ‘règlement de comptes’ revisité : réconcilier des normes globales avec une action locale », réitère son soutien à la responsabilisation criminelle pour les crimes atroces, mais par le biais d’une action locale dans la mise en œuvre de politiques de justice. Selon elle, la motivation est la soif de justice des victimes de violation des droits de l’homme et le soutien internationale dans l’accomplissement de celle-ci. L’utilisation efficace par les défenseurs des droits de l’homme des normes internationales, notamment dans l’affaire Pinochet au Royaume-Uni et l’affaire Habré au Sénégal, en sont l’exemple. Finalement, après ces contraintes initiales, avec les années, il y a eu une ouverture de l’espace politique et une hausse des ressources consacrées à la recherche de la justice.

Ayant vécu la plus grande partie de ma vie sous l’apartheid, en tant qu’activiste qui fut torturé, en tant qu’avocat qui a représenté des personnes qui ont été torturées et les familles de personnes arrêtées ou disparues, j’aurais préféré que les responsables soient tous jugés. Cependant, si le prix à payer était la déstabilisation totale de la société, condamnant une nouvelle génération à la brutalité et à l’instabilité de son développement, alors rétrospectivement je suis en faveur de l’amnistie dans des circonstances exceptionnelles mais sur les bases suivantes :

Premièrement, reconnaissons la primauté des victimes de violation des droits de l’homme.

Quand on parle d’amnistie, les responsables sont souvent prioritaires, et les victimes sont reléguées à un rôle subsidiaire. Il faut être attentif à ça. Dans notre processus, si une demande d’amnistie était faite, nous nous assurions que les victimes, incluant les proches de la personne décédée, étaient présentes à l’audience d’amnistie. Nous nous occupions du transport et du logement. S’ils ne pouvaient pas payer de représentants légaux, nous leur en fournissions. Ils avaient également la possibilité de s’opposer à l’octroi d’amnistie, conformément à la loi.

Toute procédure d’amnistie devrait être légitimée par des processus démocratiques et devrait faire partie elle-même d’un large processus de démocratisation.

La participation et l’engagement actif des citoyens dans les processus de la CVR étaient vivement encouragés. Les audiences étaient organisées sur les lieux où les atrocités s’étaient produites. Dans un pays ayant 11 langues officielles, des dispositions étaient prises pour les traductions simultanées. Les audiences étaient radiodiffusées en direct et quelquefois diffusées par la télévision dans les langues locales. Nous avons collecté des fonds de donneurs pour payer ces mécanismes.

Les amnisties doivent être soumises à certaines conditions : aveux complets, proportionnalité du crime avec l’objectif visé dans le contexte d’une lutte politique (dépendant de la perspective locale), et sur demande individuelle.

Un organe de surveillance doit être créé (ou cette tâche assignée à l’institution nationale des droits de l’homme) afin d’assurer que les recommandations de la CVR soient appliquées. C’est particulièrement vrai dans le cas des responsables de violations importantes qui n’ont pas demandé d’amnistie, ou de ceux à qui on l’a refusée.

Des réparations adéquates pour les victimes doivent être distribuées à temps. En Afrique du Sud, le gouvernement a décidé de payer aux victimes seulement un sixième des réparations recommandées par la CVR.

La narration des audiences d’amnistie et autres procédures de la CVR doivent être enregistrées, préservées et largement répandues. C’est essentiel pour de nombreuses raisons :

Afin de permettre à un pays d’aller de l’avant, il doit y avoir une mémoire commune. Bien souvent un régime d’oppression, au travers du contrôle des médias et afin de justifier les atrocités, créé une fausse narration telle que « Nous avons commis des violations importantes des droits de l’homme à cause de la menace communiste ou la menace islamiste » ou autres mensonges.

Si les membres du régime déchu révélent eux-mêmes les atrocités commises en faisant leur demande d’amnistie, alors il sera difficile de nier leur véracité et de le rejeter en disant que c’est de la propagande.

Les standards internationaux des droits de l’homme et les standards du droit humanitaire international doivent être maintenus en tant qu’échelle de mesure des comportements. Ceux d’entre nous qui partagent une même vision de l’humanité basée sur le respect des droits de l’homme ne doivent pas faire de compromis dans cette lutte pour les standards de conduite : torture, exécutions sommaires et disparitions seront toujours inacceptables, ce sont des violations graves des droits de l’homme, pour lesquelles les personnes les ayant commises doivent être tenues responsables. Je ne peux pas assez souligner l’importance du renfort que nous, activistes des droits de l’homme, avons ressenti en apprenant le soutien de la communauté internationale lors de l’adoption de la Convention internationale contre l’Apartheid.

La CVR a été critiquée pour sa focalisation sur la dichotomie bourreaux/victime, plutôt que de s’intéresser aux bénéficiaires du système raciste de l’apartheid, tenu pour un crime contre l’humanité par le professeur Mamdani de l’Université de Columbia. Il faudrait en effet considérer sérieusement les droits socio-économiques qui furent violés. Nous avons hérité d’un pays avec des millions de sans-abri, des millions de détenus suite aux lois de contrôle des flux, et la loi accordait 86% de la terre à 8% de la population, du fait de son ascendance européenne. Dans ces circonstances, que reste-t-il de l’indivisibilité des droits de l’homme ? N’y avait il à garantir sérieusement un revenu minimal pour les personnes en dessous d’un certain seuil ?

Je veux conclure en citant Diane Orentlicher [11] : “Les normes légales internationales affirmant que les crimes atroces doivent être punis ont fourni un puissant antidote à l’impunité. Certes, il arrive que ces normes ne puissent être appliquées. Mais mieux vaut dire « pas encore », plutôt que de reformuler ces normes globales dans des termes suggèrant que la poursuite de crimes atroces n’est rien de plus qu’une option. Car si nous devions nous écarter du langage des obligations légales, nous priverions d’une de leurs armes les plus puissantes ceux qui se battent en première ligne pour la moralité”.




NOTES


[1« Les amnisties et la justice internationale peuvent-elles être réconciliées ? » Journal international de la justice transitionnelle ; Vol. 1 ; Thème 2 ; Juillet 2007 ; Page 208.

[2Le terme ‘ubuntu’ peut généralement être interprété comme la reconnaissance de l’humanité des personnes. Il existe une expression Zoulou disant « une personne n’est pas une personne sans les autres ».

[3Professeur Karthy Govender ; Présentation informatique ; Conférence des Nations Unies sur les institutions nationales des droits de l’homme et la justice transitionnelle ; Cape Town ;Nov. 2007.

[4Note du traducteur : Dans le système britanique, il n’y a pas de différence entre l’ordre judiciaire et la justice administrative, ni de Constitution ! La loi et la jurisprudence sont les seules bases juridiques.

[5Rapport juridique d’Afrique du Sud ; 1996 (4) SA 671 (CC)

[6Rapport juridique d’Afrique du Sud ; 1997 (3) SA 204 (SCA)

[7Dans le Sunday Times du 5 février 2006, page 21, le NDPP, Vusi Pikoli, a affirmé : “Ce que nous pouvons faire, c’est offrir une indemnité de poursuite”.

[8Maître Howard Varney ; Opinion ; Février 2006.

[9« Les amnisties et la justice internationale peuvent-elles être réconciliées ? » Journal international de la justice transitionnelle ; Vol. 1 ; 2007, Pages 208-230

[10Journal international pour la justice transitionnelle 2007 1(1):10-22 ; Expert, indépendant, des Nations Unies sur le combat contre l’impunité (2004-05)

[11Ibid,Page 22

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