vendredi 29 mars 2024


















6 décembre 2002

Procès Georges LIPIETZ contre l’Etat et la SNCF
Réplique
Tribunal administratif de toulouse
Réplique n°2
dossier n° 0004248-2

POUR Messieurs S. et LIPIETZ
demandeurs ,

CONTRE : SNCF et État français
défendeurs

Les exposants entendent produire de nouveaux documents éclairant le statut et le rôle de la SNCF dans le présent litige.

Ils produisent à cette fin :
- article du Monde du 27 mars 2002 (production 8)
- article de l’express du 9 août 2002 (production 9)
- extraits (production 10) de l’ouvrage de Christian Bachelier (colloque de l’Ahic) téléchargé (l’édition papier étant épuisée) sur le site http://www.ahicf.com.

La SNCF soutient, pour défendre la thèse de la compétence judiciaire, qu’elle n’était qu’un organisme privé transportant des voyageurs.

En premier lieu, et même si le juge français n’est pas lié par la jurisprudence étrangère, la justice fédérale des Etats-Unis a considéré que la SNCF devait être assimilée à un état étranger et bénéficier de la loi sur les immunités réservée aux États étrangers.

En second lieu, l’étude de Monsieur BACHELIER comporte de multiples confirmations de ce que transports n’avaient nullement le statut de transports ordinaires effectués par une entreprise commerciale. Elle agissait au contraire pour le compte de l’État français (et non pour celui des nazis).

Ces éléments sont les suivants (les passages les plus importants étant surlignés dans la copie) :
- la structure juridique de l’époque de l’époque n’est que fictivement celle d’une SEM : « sous des apparences de société mixte, la société nationale est majoritairement dirigée [c’est nous qui soulignons] par l’État » (2/2-2-5). La SNCF agissait donc pour le compte de l’État, comme un service et non comme un concessionnaire
- la SNCF s’est livré au transport des juifs sans aucun état d’âme : « les archives, ainsi que les témoignages, ne relèvent aucun refus, aucune protestation de la part du transporteur portant sur l’exécution de ces transports, ni aucune consigne de sabotage, aucun fait d’ailleurs ne permet d’attester d’une telle consigne, même secrète » (4/4-3-13)

Certes, des cheminots ont individuellement résisté, mais la SNCF en tant que telle n’a rien fait alors que par ailleurs elle n’hésitait pas à ferrailler avec les autorités allemandes sur d’autres points : « la SNCF proteste contre les interventions allemandes dans l’exploitation ferroviaire en zone sud » (5/5-3-2).

La SNCF agissait pour le compte de l’État français. Elle adressait ses factures à l’État, y compris à l’administration préfectorale après la Libération. La position de la SNCF était que « L’état français ayant commandé une prestation de service, en l’espèce le transport des internés des camps libres vers Drancy [...] le même État est tenu d’en régler le paiement » (4/4-3-13).
Cette activité était bien pour le compte de l’État français. Contrairement à ce qu’elle veut faire accroire, la SNCF n’agissait pas comme si elle transportait des passagers puisque celui qui commandait et qui payait était l’État et non les personnes transportées contre leur gré. Le service n’avait donc rien d’industriel et commercial mais était bien administratif.

L’étude de Monsieur BACHELIER montre non seulement que la principale préoccupation de la SNCF était de se faire payer par l’État français pour cette prestation qu’elle accomplissait.

Monsieur BACHELIER aborde également la question de la nature de la relation juridique entre la SNCF et l’État français (4/4-3-13). Il résulte des documents de l’époque que l’État a hésité entre la qualification de réquisition et celle de location. Le commanditaire des transports est lui toujours l’État français en ce qui concerne les juifs (4/4/-3-13).

On observera qu’il importe en réalité peu que la qualification de réquisition ou de location ait été utilisée par l’État français. Ce qu’il y a d’incontestable, c’est que la SNCF n’a jamais contesté le fait de transporter les juifs, n’a même jamais demandé de réquisition formelle. Elle a toujours accepté spontanément de transporter les juifs à la demande.

Elle n’était donc en réalité qu’un service de l’État français agissant dans le cadre de la mission de déportation des juifs, qui ne peut être que qualifiée d’administration en l’absence de volonté des juifs d’être transportés par la SNCF vers DRANCY.

Pour cette raison, la compétence de la juridiction administrative n’est pas discutable. Il ne s’agissait pas de transports commerciaux, mais d’une action pour le compte de l’État. Et il s’agissait en ce qui concerne tout au moins les transports intérieurs vers Drancy exclusivement de l’État français, non de l’État allemand. Ce ne sont d’ailleurs pas des allemands qui ont arrêté les exposants et leurs parents.

Or observera également que la réquisition est un procédé typique de droit administratif. Et dans le cas où il y aurait « prestation de service » contractuelle, le contrat était administratif par application des critères classiques (jurisprudence Bertin) : contrat ayant pour objet l’exécution du service public administratif de transport à Drancy.

Les documents produits, et les propres déclarations de Monsieur GALLOIS, actuellement président de la SNCF, confirment par ailleurs la responsabilité de la SNCF.
En premier lieu, si la SNCF s’est beaucoup souciée de facturer ces transports, elle n’a strictement rien fait, ne serait-ce que pour tenter de retarder l’exécution des demandes de transport.

On peut même penser qu’en tant que personne morale, elle y a mis un zèle inutile. C’est en tout cas ce qu’elle fait relativement aux transports pour le titre du STO (5/5-4-1) où elle suggérait des mesures et sa participation pour lutter contre les réfractaires au STO, mesures que le préfet Leguay rejetait comme inutiles.

Et le président du conseil d’administration a également une vision exclusivement pécuniaire des « transports d’israélites », très bien identifiés par ses services, à des fins comptables (4/4/3-13).

La SNCF ne fait état d’aucune initiative, même très modeste, qu’elle aurait tenté pour retarder, ralentir les transports de juifs. Si elle fait valoir que des actes de résistance auraient entraîné la peine de mort ou la déportation des cheminots, elle n’allègue même pas qu’une seule fois la société ait tenté la moindre chose pour épargner la mort à des milliers de personnes. Son seul souci était de se faire payer.

Des cheminots ont pris des risques à titre individuel. C’est exact. Mais les organes dirigeants de la SNCF n’ont eux jamais rien tenté.

Simple organe de l’État, elle doit donc être condamnée in solidum avec lui.

Par ces moyens, les exposants persistent en leurs conclusions.

SELARL ACACCIA

Productions


8 Article du Monde du 27 mars 2002
9 Article de l’express du 9 août 2002
10 Extraits de l’ouvrage de Christian Bachelier (colloque de l’Ahic) téléchargé (l’édition papier étant épuisée) sur le site http://www.ahicf.com.




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