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par Alain Lipietz | 20 mai 2004

Politis, n°802
Une évolution institutionnelle décisive
Les écologistes réussissent bien lors des scrutins régionaux et européens, beaucoup moins au niveau national. L’Europe est-elle un échelon naturel pour les Verts ?

« Penser globalement, agir localement » : cette conception de l’analyse et de l’action, au cœur de notre credo, a induit un intérêt particulier des Verts et de leur électorat pour les questions « sans frontières ». C’est au niveau transnational que se jouent nombre de problématiques écologistes, comme le dérèglement climatique, la pollution de l’air ou de l’eau, la disparition de la biodiversité, ou encore la maladie de la vache folle, l’invasion des OGM, etc., conséquences d’un libre commerce transnational.

En écho, l’échelon de l’action efficace se situe souvent au plus près du terrain dans l’application régionale des politiques publiques.

L’Union européenne est-elle une réponse, pour les écologistes ? On pourrait rétorquer que c’est au niveau planétaire qu’il faudrait s’attaquer. Mais il faut rester pragmatique. L’abolition des appartenances nationales ne se décrète pas, et le premier espace supranational à portée de main, c’est l’Europe. Un espace qui rejette la guerre et qui vient de consommer, par son élargissement, la chute du Mur ; et un ensemble économiquement cohérent, qui échange 92 % de sa production en interne, le seul aujourd’hui capable d’élaborer une politique de contrôle des multinationales.

À quoi ressemblerait une Europe verte ?

À une fédération de régions et de peuples solidaires. Son budget serait beaucoup plus conséquent que celui de l’Union aujourd’hui. Les Verts sont partisans d’un bicamérisme un peu semblable à celui des Allemands, avec un parlement supranational, et une chambre haute où seraient représentés les régions. Le substitut du Conseil européen actuel où s’affrontent des intérêts nationaux.

Sa politique sociale aurait pour horizon une convergence des droits sociaux nationaux - salaire, temps de travail, etc. - à l’échelle d’une quinzaine d’années, pour lutter contre les délocalisations. Un rythme nécessairement prudent si l’on ne veut pas provoquer une destruction des économies où les salaires sont aujourd’hui les plus bas. Mais on pourrait plus rapidement harmoniser les taux entre salaire minimum et revenu moyen sur la valeur la plus élevée constatée dans l’Union.

L’Europe verte, c’est bien sûr un espace où sera assurée la protection environnementale et la santé. Les grandes batailles à venir seront le contrôle de la dispersion des molécules chimiques dangereuses, les OGM, etc.

Quant à la politique agricole, elle doit s’attacher à aider les paysans non plus en fonction du nombre d’hectares possédés, mais selon les emplois créés et de la protection de l’environnement. À défaut, on assistera rapidement à des délocalisations ou l’extension aux nouveaux pays entrants du mouvement de concentration foncière.

Les écologistes européens viennent de fonder, en avril février dernier, un Parti vert transnational. Que peut-il vous apporter ?

C’est le seul véritable parti européen, aujourd’hui. Au contraire des tentatives engagées par d’autres mouvements politiques, qui ne peuvent espérer dépasser le conglomérat de partis nationaux tant leurs positions sont divergentes sur des questions fondamentales, le Parti vert européen (PVE) est suffisamment homogène pour que l’on puisse afficher que si l’on vote « vert », de Finlande à Malte, on défend les mêmes idées. Nous menons d’ailleurs une campagne commune à tous les pays de l’Union. C’est particulièrement important pour lutter contre l’abstentionnisme dans cet énorme espace de 460 millions d’habitants où l’électeur peut ressentir qu’il est vain d’élire un député qui sera perdu dans la masse. S’il élit un candidat vert, il sait qu’il intégrera un groupe parlementaire cohérent qui défendra ses opinions. Nous sommes tous pro-européens - à l’exception du petit parti vert danois, qui pourrait nous quitter -, fédéralistes, et nous soutenons le projet actuel de constitution européenne, sous réserve qu’elle soit facilement réformable par la suite.

Le soutien à la Constitution prend chez ses plus ardents défenseurs des accents de « pensée unique » : signez, ou c’est le chaos. Elle est pourtant fortement mâtinée de libéralisme...

Le débat se crispe souvent autour de ce point. Mais le libéralisme, nous l’avons déjà ! Avec le traité de Nice en vigueur depuis 2000, jamais le capitalisme européen n’a disposé d’un encadrement qui lui soit aussi favorable. Rejeter la Constitution, c’est l’opposé du rejet du libéralisme, c’est la prolongation de fait de la validité du traité de Nice. Le projet de Constitution, qui redonne du pouvoir aux parlementaires, qui reconnaît la place des services publics, etc., c’est un premier pas vers le retour du politique dans l’Union, et c’est un progrès. Cette évolution institutionnelle est décisive.

Ce changement de cadre permettrait-il de mieux contrer le libéralisme ?

Rien ne dit en effet qu’avec une Constitution meilleure que celle du projet actuel, le Parlement européen ou les gouvernements parviendraient à imposer une politique sociale aux multinationales. Mais c’est pourtant bien à cet échelon que le combat doit se mener. Et pour gagner, il nous faudra l’appui des mouvements sociaux. Nous constatons que la nécessité de ces alliances européennes est mal comprise en France. Notamment au niveau syndical. En revanche, la Confédération européenne des syndicats s’est résolument rapprochée des Verts européens, dans lesquels elle voit un débouché politique alors que les partis sociaux-démocrates ont viré libéraux, et que le communisme est en perdition.

Entretien avec Patrick Piro




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