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par Alain Lipietz | juillet 2002

Marianne
Pour gagner, changer de gauche !
Les élections de 2002 viennent de révéler une réalité aussi mathématique que tragique : la gauche actuelle, centrée sur le PS, est nettement minoritaire en France. En additionnant Jospin+ Mamère+Hue+Taubira+Besancenot+Laguiller, et en ajoutant la moitié de Chevènement, on n’arrive pas à 40%. La "dispersion " a sans doute provoqué la défaite du premier tour, mais elle permettait de ratisser large pour le second.

Eh bien, ce n’est pas très large ! Les législatives en ont offert la contre-épreuve : quand on vote directement utile, c’est-à-dire PS, la gauche est écrasée, car le PS n’enchante guère plus que le quart des votants. Reconstruire un gauche, c’est donc d’abord rééquilibrer la gauche, pour qu’elle redevienne crédible et attractive.

Ce qui a bien sûr été rejeté, comme dans toute l’Europe, c’est la version " sociale-libérale " de la gauche, sa soumission aux lois du marché globalisé, son abandon de la politique (réduite au compassionel). Banalité que de le dire, oui, mais défi immense que de l’assumer. Car l’alternative " à l’ancienne ", le social-jacobinisme nationaliste, a aussi été repoussée, avec Hue et Chevènement, dans les poubelles de l’histoire. Le peuple de gauche hait l’Europe qui lui est faite, mais rêve d’une Europe digne d’être aimée. Une Europe, comme cadre d’une politique progressiste. Cadre très vaste, donc forcément un peu lointain : or le succès de Raffarin traduit symétriquement l’exigence de proximité. Donc pas d’Europe fédéraliste qui ne soit aussi fortement régionalisée. Donc une France tolérante à ses diversités intérieures : avec des régions au moins aussi "différentes " que l’Alsace, c’est à dire bien plus que ce que l’on chipote à la Corse.

Mais ce cadre démocratique ne s’attachera l’amour de ses résidents que s’il est cimenté par un contenu écologique et social. La " contre-vaguellette parisienne" au sein de la vague bleue en apporte la démonstration : une politique active, ouvertement sociale et spectaculairement écologiste (y compris anti bagnole !), ça séduit, ça gagne. Le contre-exemple de Lyon, où la victoire " rose et verte " de 2001 n’a pas débouché sur de vraies ruptures, et donc n’a pas été confirmée en 2002, le confirme encore.

J’écris, par commodité, " écologique ET sociale ", comme si l’écologie se réduisait à l’environnemental et s’additionnait au " social ". Je pense au contraire que l’écologie inclus le social comme une de ses dimensions. Les Verts ne pourront renaître des cendres où cette année désastreuse les a réduits, ils ne pourront rénover l’espérance appelée gauche, que s’ils apprennent à ne plus juxtaposer les deux discours, s’ils assument ouvertement le social parmi leurs " fondamentaux ". Des exemples ?

La question du sentiment d’insécurité et celle de la réalité de l’insécurité font intégralement partie de l’écologie, qu’il s’agisse de sécurité alimentaire, environnementale, ou dans les rapports de co-vivance, dans la pacification des rapports interpersonnels, car notre environnement, c’est d’abord les autres. La reconstitution des liens sociaux dans une société atomisée par l’individualisme exige de réencastrer les individus dans une économie sociale et solidaire, non lucrative, associative, coopérative. Au-delà d’un bricolage de petit boulots, il s’agit de l’esquisse d’une société post-capitaliste et post-patriarcale.

Parallèlement, la question du travail salarié classique doit être réexaminée. "On n’est plus du tout considéré" : ce cri des ouvriers, enfin redécouverts, n’a pas qu’une dimension économique, mais aussi bien culturelle, et appelle une authentique écologie du travail. On ne pouvait pas passer aux 35 heures sans poser en même temps la question du partage des richesses (hausse du SMIC, baisse des hauts salaires et des profits). Mais au delà encore, l’intérêt du travail, la mobilisation de l’intelligence ouvrière dans l’amélioration des produits et des processus de production, donc la stabilisation et l’enrichissement des carrières ouvrières, n’auraient jamais du être oubliés.

Vastes chantiers.




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