Visite aux « jeûneurs » anti-nucléaires.

1er juillet 2004 par Alain Lipietz

J’ai rendu viste à trois militants de « Vivre sans nucléaire », Dominique Masset, André Larivière et Michel Bernard qui font jeûne pour demander l’arrêt du projet EPR. En fait le projet n’est plus forcément à Penly, Gravelines (bien placé pour exporter l’électricité vers la Grande Bretagne) tient la corde.

Peu importe, les Verts s’opposent férocement à cette reprise du nucléaire et soutiennent fermement les jeûneurs. Le local des est mis à leur disposition par le maire Vert du 2è arrondissement de Paris, qui doit d’ailleurs jeûner le week-end avec eux, tous les dirigeants Verts se succèdent auprès d’eux (le secrétaire national Gilles Lemaire dès le premier jour...

Mais les jeûneurs, tout en nous remerciant, m’expliquent poliment que ce soutien des Verts va tellement de soi qu’ils ne jugent pas utile de le médiatiser. En revanche, ha ! la visite de Corinne Lepage, ça oui, c’est une nouvelle ! L’idéal serait que Fabius vienne les voir.
Je promets de faire mon possible pour obtenir le soutien d’eurodéputés non Verts...

J’explique aussi les ouvertures tactiques que permettra le changement de statut d’EDF (les Verts sont contre, mais avec leurs trois députés nationaux et une gauche minoritaire ils ne voient pas comment l’empêcher) : il faudra à l’avenir traiter EDF comme une entreprise privée ordinaire. Les municipalités de gauche n’auront plus de raison de lui confier systématiquement leur alimentation en électricité. Surtout, la collectivité nationale n’aura plus de raison d’assurer gratuitement EDF contre le risque d’accident : chaque centrale devra être assurée « du berceau à la tombe », ce qui diminuera sérieusement la prétendue rentabilité du nucléaire.

Seul le Réseau de Transport d’Electricité (RTE) méritant encore le nom de service public, c’est lui qui devrait récupérer le beau nom d’EDF !

Comme nos amis s’étonnent de la rémanence du soutien du PCF et de la CGT au nucléaire, alors que les communistes italiens par exemple sont à la tête du combat contre le nucléaire, je raconte une ancienne discussion avec les animateurs de l’école de cadres du Comité d’entreprise d’EDF (donc les théoriciens de l’engagement nucléaire du PCF). « Je comprends votre mystique du service public, plaidais-je, mais vous êtes mariés à l’électricité, pas au nucléaire ! Et encore, votre mission, c’est d’expliquer au peuple de France comment utiliser intelligemment l’électricité, pas de vendre à toute force la marchandise d’EDF ! - Certes, répondirent-ils en souriant, mais dans la cathédrale de l’électricité, le nucléaire est la Sainte Chapelle ! »

En fait durant des années, dans le cadre de l’Association des Ingénieurs, Techniciens, Experts et Chercheurs, nous (les Verts) avons maintenu le dialogue avec les dirigeants de la CGT EdF. Nous leurs proposions un premier compromis : la diversification d’EDF à 50% de non nucléaire. Mais nous ne sommes même pas arrivés à un consensus sur la possibilité de « découpler » la croissance de la demande d’énergie de celle du PIB.

Aujourd’hui, la lutte contre l’EPR doit réunir ceux qui pensent que cette décroissance (et celle de la part du nucléaire est possible et nécessaire, et ceux qui pensent que même si le nucléaire restera indispensable, la « génération EPR » est actuellement inutile et qu’il faut consacrer les moyens disponibles aux économies d’énergie, aux renouvelables, et à la recherche sur la génération suivante de réacteurs. On y verra plus clair dans une dizaine d’années...



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