Ce qu’on appelle aujourd’hui "économie sociale" regroupe trois types d’institutions nées du mouvement ouvrier et populaire du XIXè siècle : la mutuelle, la coopérative et l’association.
Il s’agissait, pour les classes populaires, d’échapper au triangle de fer qui pesait sur eux depuis la Révolution française, l’État, l’entreprise capitaliste et l’Église. On voulait s’organiser entre soi, entre "copains", "camarades", "compagnons", pour se rendre mutuellement des services, acheter ensemble, produire ensemble. Si, dans le cas des mutuelles et des coopératives de consommation il s’agissait simplement d’échapper aux usuriers et intermédiaires, l’ambition des coopératives de production reposait de plus sur l’orgueil professionnel de travailleurs très qualifiés, peu désireux de livrer leur savoir-faire à la loi du profit.
Hélas ! Ces formes allaient peu à peu s’aligner sur les institutions correspondantes du capitalisme ( assurances, administration et entreprises). Dans la seconde moitié du XXè siècle, seul subsistait de l’idéal initial de solidarité et de démocratie deux caractéristiques qui constituaient "l’économie sociale" aux yeux de la loi : le caractère non lucratif et le principe de direction "une personne, une voix". Ne restait plus grand chose des idéaux de "travailler autrement" : le taylorisme était accepté, sans bien sûr aucune critique du productivisme.
Avec la crise des années 70, de petites structures empruntent les mêmes formes juridiques, mais en retrouvent la mystique originelle. Elles mettent en avant l’idée de "travailler autrement", l’idée "d’autonomie" et choisissent leur activité pour servir la communauté bien au-delà des besoins de leurs clients directs. On veut recréer du lien social, entre les gens, redonner du sens à ce qu’on fait, commercer avec son voisin (ou des fournisseurs d’un autre continent) pas seulement pour l’intérêt du produit, mais pour se sortir tous ensemble de la crise. Dans cette économie sociale ET AUSSI solidaire, l’écologie (le rapport entre tous les humains par le biais de leur environnement) devient une préoccupation cardinale. Il faut produire, mais produire du bien-être collectif et pourquoi pas du bonheur.
Reste que le cadre compétitif général, la misère du chômage qui fait accepter l’absence de règles au travail, pèsent de tout leur poids sur l’économie solidaire. Ces jeunes pousses sont les promesses qu’un autre monde est possible, mais elles n’en sont que les promesses...
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