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23/01: La situation actuelle et l’avenir de Copernic
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La situation actuelle et l’avenir de Copernic


dimanche 23 janvier 2011

Samedi, AG de la Fondation Copernic. J’y ai repris un rôle actif, au bureau, depuis que notamment sa présidente Caroline Mécary a rejoint Europe-Écologie. Campagne sur les accidents de travail, campagne sur les retraites : on n’a pas chômé. Et je m’y sens bien. Ses animateurs (Willy Pelletier, (…)


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Révolution et réalisme de l’immédiat, bis.

mardi 25 janvier 2011

Effectivement Alain, cela fait du bien de débattre.

1. Sur la caractérisation de la crise, je pense que nous cernons mieux ce qui nous rapproche et ce qui nous sépare. Ce qui nous rapproche est la volonté de dépasser le mécanisme qui, du primat des forces productives, conduit presque inexorablement, via la révolution prolétarienne, à la vision d’une société enfin réconciliée avec elle-même, où l’égalité et l’abondance se conjuguent à l’infini. Alors que ma culture initiale, un tantinet scientiste, me conduisait à penser mordicus que la science règlerait peu à peu les dégâts collatéraux du progrès, je considère aujourd’hui que les stocks dont dispose l’ingéniosité humaine ne sont pas éternels et que les écosystèmes ne se « réparent » pas comme une machine. Dans le dispositif imbriqué des crises actuelles, la crise écologique n’occupe donc pas, dans ma pensée, la place subalterne que je lui aurais sans doute attribuée il y a quelques décennies. Mais pas moins subalterne aujourd’hui que la crise démocratique (le dérèglement des procédures de détermination des choix et d’allocation des ressources) ou que la crise anthropologique (le dérèglement des finalités que les hommes assignent à leur vie personnelle et aux collectifs dans lesquels ils s’insèrent).

D’une manière ou d’une autre, toutes les sociétés sont confrontés aux mêmes impératifs écologiques, mais les manières dont elles se structurent, se meuvent et se pensent n’est pas pour rien dans la manière dont elles traitent les équilibres de l’homme et de la nature. On ne traite pas la question de la richesse-Terre de la même manière dans des sociétés déchirées par les inégalités et des sociétés de redistribution assumée, dans des sociétés d’appropriation privative ou dans des contextes de mise en commun, dans des sociétés où l’accumulation des biens matériels est une valeur en soi ou dans celles où le développement de la personne prime sur tout autre impératif. Si l’on veut préserver le patrimoine des générations futures, je trouve donc plus pertinent, plus réaliste et plus propulsif de partir de l’hypothèse selon laquelle la fin tendancielle de l’aliénation (et donc de l’exploitation et de la domination) sont une condition durable d’un développement maîtrisé. Tu sais parfaitement que l’hypertrophie, dans l’imagerie du « développement durable », du pilier « environnemental » par rapport au pilier « social » conduit de fait dans l’impasse environnementale, dont les tensions Nord-Sud ne sont que la forme exacerbée.

Est-ce un désaccord ? Tu penses que je récuse la centralité de la crise écologique au nom d’une priorité ancienne du social. Je pense au contraire que l’universalisation de la forme-capital et la recomposition des « instances » classiques (la dilution des frontières de l’économique, du social, du politique…) rend caduque la recherche du chaînon central. À la fois plus individuelles et plus mondialisées, les sociétés modernes se pensent et se travaillent dans leur universelle interconnexion. Si de la dynamique, du partage, des alliances doivent se nouer, c’est sur le terrain d’une globalité transformatrice recherchée, revendiquée, façonnée. Faute de quoi, nous courrons d’une crise à l’autre, d’un dysfonctionnement à l’autre, d’une priorité à l’autre. Et, à l’arrivée, nous pourrions bien avoir la barbarie…

2. Faut-il penser un capitalisme « préférable » ? Franchement, cette question ne m’intéresse guère. Non pas que ne me préoccupe pas que le capitalisme soit plus ou moins insupportable. Je te l’ai déjà dit : la politique du pire n’est pas de ma culture. Il y a des urgences, aussi bien environnementales que sociales, qui ne supportent pas que l’on reporte à l’au-delà de la « révolution » la recherche de solutions immédiates. Le visage concret pris par la gestion capitaliste dominante ne m’est donc pas indifférent. Faut-il pour autant nous fixer l’objectif d’un capitalisme « à visage humain ? Je ne le crois pas. Sans doute suis-je plutôt enclin à penser que le capitalisme est engagé dans une longue crise systémique, avec des périodes plus ou moins mobiles et conflictuelles, qui verront alterner des phases plutôt dérégulatrices et des phases plutôt régulatrices. Mais peu importe ici… ce qui compte est que je ne crois pas qu’un sustainable capitalism se pense : il se construit pragmatiquement, non pas sur la base de modèles intellectuels, mais d’équilibres précaires de forces sociales globales.

Et dans ces équilibres, je persiste à penser que le plus décisif est la place qui est attribuée aux cultures-mouvements de l’alternative sociale. Une société « révolutionnée », reposant sur d’autres finalités collectives, d’autres critères d’efficacité globale, d’autres méthodes d’allocation des ressources, d’autres procédures de choix serait en fait plus « réaliste » que les sociétés d’aliénation. Il faut agir toujours pour penser et construire la dynamique tendant vers cela. Cela signifie à la fois de la contestation (on conteste un par un les choix du capital, dans tous les domaines ; on retourne contre lui ses propres règles ou lois), de la capacité à infléchir les normes (commencer de changer la règle du jeu) et de l’invention alternative proprement dite, de la capacité concrète à faire du commun autrement que par la voie du marché ou par celle de l’État administratif (dans le service public ou dans l’économie sociale et solidaire). Le premier niveau ne dépasse pas l’horizon de la « bonne » social-démocratie d’antan ; le second porte vers un réformisme plus radical (post-keynésien) ; le troisième est plus franchement alternatif ou visionnaire (et pourtant diablement concret…).

En faisant cela, on travaille au changement anthropologique possible (le post-capitalisme). Et, dans l’immédiat, on crée la possibilité d’un capitalisme partiellement « humanisé ». Pas de réforme pensable sans révolutionnaires incrustés dans la vie sociale : ma formule, pour être aussi provocatrice que ton capitalisme « préférable », ne m’en paraît pas moins pertinente.

3. Quand on construit des alliances, on ne se prépare pas à des lendemains radieux, mais à de lourdes contradictions, quels que soient les partenaires retenus. Bâtir des réseaux durables ne signifie pas vivre entre soi et ne se tourner vers le monde que quand on est devenu hégémonique. L’expérience historique (celle en tous cas du vieux mouvement ouvrier) est que, à ce jeu-là, on peut attendre très longtemps. Mais l’essentiel est au départ de se dire, non pas quelle est la muraille qui sépare, mais quelle est la ligne au demeurant mobile qui sépare les réseaux d’alliances. Pour l’instant, et à mon avis pour une très longue période, cette ligne me paraît se situer dans le rapport au libéralisme réellement existant et au parti pris de rupture tendancielle avec le système dominant.

Tu as eu raison de noter que je suis passé de la référence au « souverainiste » à l’évocation du « républicain ». Le souverainisme ne me paraît pas un système mais un prurit : le reflet inversé d’une universalisation perverse et destructrice (celle de la marchandise) et le signe d’une carence historique (celle d’un universalisme réaliste de la mise en commun). À la limite, discuter du souverainisme ne sert à rien : on ne discute pas avec un postulat. En revanche, la culture républicaine de pente étatiste est à la fois un objet qui vient de loin et une pensée reproductible, d’autant plus tentante que l’on ne connaît pratiquement pas d’autres régulateurs globaux que le marché et l’État. Face au mariage du contrat et de la concurrence libre et non faussée, quoi de plus immédiatement rassurant que les épousailles de la loi et de l’intérêt général ? Mais si je pense que la pente étatiste est un piège pour la « chose publique » elle-même, je n’ai nulle envie de combattre les « républicains » en m’appuyant sur les « libéraux » ou même les « libéraux-libertaires ». C’est au nom de la conception moderne et plurielle de la mise en commun et donc au nom d’une conception renouvelée du « public » (non marchande et non étatiste) que j’entends faire reculer l’étatisme « progressiste » d’hier. Ou alors, se produit un brouillage qui, à l’arrivée, produit de l’inefficacité et de la défaite… face au capital.

Voilà, on en restera là pour aujourd’hui. Pour le stalinisme on verra plus tard…

Salut et fraternité (si j’étais un bon jacobin, j’ajouterais : « dans l’unité et l’indivisibilité de la République », mais, bon, ça ne se fait plus je crois…)

Roger Martelli


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