SNCF : veillée d’armes
par Alain Lipietz

lundi 26 mars 2007

Voilà, je suis rentré ce midi de la mission en Bolivie avec escale pour les Verts argentins… Le « reportage » de ce voyage suivra sur le blog… quand je pourrai. Car, en mon absence, les événements se sont précipités pour la famille (et pas seulement la nouvelle chimio de Francine, qu’elle supporte vaillamment).

Mercredi dernier, le Commissaire du Gouvernement de la Cour d’Appel Administrative a de nouveau conclu à l’absence d’une responsabilité de la SNCF dans la Déportation distincte de celle de l’État français, mais d’une façon qui a semblé très défensive, voire résignée, selon ma sœur Hélène. La plaidoirie de notre avocat Rémi, au-delà du mémoire en seconde audience, a résumé remarquablement 6 ans d’instruction et de débats, depuis la plainte de mon père et de mon oncle en 2001, jusqu’à la réouverture surprise des débats en appel et le « pschitt » de la prétendue découverte d’un ordre de réquisition par la Sncf. La direction collabo de la SNCF (son président était d’ailleurs l’ex président du SCAP, devenu Commissariat général aux questions juives) n’a jamais été réquisitionnée, mais elle avait établi une « convention de l’espèce » avec l’État pour le service de déportation qui lui avait été confié, et pour lequel elle s’est fait rémunérer jusqu’après la Libération. Et quand bien même elle eût été réquisitionnée, cela ne l’exonère pas d’une complicité de crime contre l’humanité, crime auquel elle a participé avec plus de zèle encore que n’en demandait Vichy, privant les déportés d’eau et d’hygiène la plus élémentaire. Ce crime est imprescriptible au civil, même en l’absence de procès pénal de la personne morale SNCF, etc…

De ces conditions inhumaines, qui en ont rendu fou ou ont fait mourir de soif bien des transférés sur les itinéraires franco-français de la Shoah, mon oncle, choqué par les propos du Commissaire du gouvernement lors de l’audience du 30 janvier, avait enfin accepté de témoigner. Ecoutez, un tel récit est rarissime !

Je constate, navré, que la presse n’a toujours rien appris depuis le procès de Toulouse. Elle laisse toujours croire à ses lecteurs que je suis le plaignant, s’abstient de répercuter les nouveaux témoignages que ce procès a déclenchés, de parler des faits que l’ont croyait avérés et qui sont aujourd’hui démentis (comme la réquisition), et qui renouvellent profondément la perception historique sur l’attitude de la direction SNCF. Elle attise ainsi un antisémitisme qui fait se dresser les cheveux sur la tête (voir, très significative, la page du Nouvel Obs avec son forum)

Demain mardi, la Cour de Bordeaux rend son arrêt. On n’est même pas sûr de l’heure…



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