Retour sur les incendies
par Alain Lipietz

lundi 5 septembre 2005

Dimanche matin, alors que je mets la dernière main à mon précédent blog, la nouvelle tombe par e-mail : nouvel incendie à L’Haÿ-les-Roses, à deux pas de chez moi. Mais cette fois c’est tout différent, il s’agit d’un immeuble HLM classique. L’enquête va très vite : à l’heure où j’écris, il semble que quatre jeunes filles ont fait une énorme connerie...

Au delà de la tragédie dont sont victimes des innocents (encore seize morts !), je suis toujours troublé par la “tragédie des coupables”, ceux qui, par folie (Durn dans la tragédie de Nanterre) ou par connerie (comme ici), provoquent un drame qu’ils n’avaient probablement pas consciemment voulu. Pourtant, l’acte doit aussi être évalué à l’échelle des intentions. C’est bien là le problème des tragédies... surtout en politique.

Par ailleurs, il semble aujourd’hui établi que le premier des incendies de cette épouvantable série, celui du boulevard Vincent Auriol, le 26 août, était également un acte de destruction volontaire ayant causé 17 morts. J’en suis presque soulagé. En effet, cet incendie aurait pu être l’occasion d’une attaque contre Emmaüs (dont une filiale assumait la gestion de l’immeuble) contre l’Abbé Pierre, le DAL, toutes celles et ceux qui assument la responsabilité de “faire quelque chose” pour les plus démunis au lieu de rester les bras croisés à dénoncer l’Etat.

Le samedi 27 au matin, le président d’Emmaüs, Martin Hirsch, participait à l’une des plénières sur “l’apres-29 mai” des journées d’été des Verts à Grenoble. Il était encore sous le choc du tragique accident de la nuit. Avec Yannick Jadot, de Greenpeace, il avait très courageusement défendu la prise de position des mouvements sociaux qui avaient défendu le Oui, et nous avait expliqué que les cadres d’Emmaüs étaient plutôt pour le Non, mais que c’étaient les “bénéficiaires” (les exclus) qui avaient fait valoir le progrès que représentait le TCE, (avec notamment le droit au logement financé par l’Etat, obligation qui n’existe même pas dans la Constitution française).

A la fin du débat, j’étais allé voir Martin Hirsch pour lui apporter le soutien résolu des Verts face aux éventuelles accusations ou insinuation d’incurie que pourrait porter la presse de droite contre l’association de l’abbé Pierre. Je lui ai rappelé que, dans mon rapport sur le tiers secteur, je prends la défense de ces associations qui, avec les moyens du bord, ont le courage de s’occuper des plus démunis d’entre nous alors que l’Etat y a renoncé, et qui sont montré du doigt à cause de la misère qu’elles gèrent, parfois pénalement inculpées en cas d’accident. Je lui rappelle le précédent de Sangatte. Il m’explique qu’Emmaüs assurait un examen régulier de la sécurité de l’immeuble, mais évidemment ne pouvait être là en permanence. Je lui ré-affirme l’indéfectible solidarité des Verts en cas d’attaque de la droite et lui propose d’écrire un article dans la presse. Il sourit et me répond : “Ce ne sera pas la peine. Personne n’osera nous attaquer”.

Et en effet, avant même que ne soit établi le caractère criminel, et non accidentel, de l’incendie, personne n’osera cette ignominie.



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