Pourquoi si tard ?

mai 2006 par Alain Lipietz

Ce seul point occupa la moitié des conclusions du Commissaire du gouvernement, Jean-Christophe Truilhé, à l’audience du 16 mai 2006.

Il a rappelé que la jurisprudence de 1946, arrêt Ganascia du Conseil d’État, avait semblé clore la possibilité même d’obtenir de l’État français réparation pour les crimes du régime de Vichy, réputé non-existant. Il a fallu attendre l’arrêt Pelletier (2001) et plus clairement encore l’arrêt Papon (2003) pour que soit renversée la jurisprudence et que la justice française reconnaisse enfin aux victimes le droit de demander réparation d’un État qui n’avait jamais cessé d’exister.

Mon père a déposé sa requête 3 mois après l’arrêt Pelletier. Ce n’est pas beaucoup.
Il aura attendu 55 ans pour pouvoir le faire. C’est beaucoup.

Le jugement sera rendu 5 ans plus tard encore. Et la SNCF fait appel (l’État, lui, reconnaît les faits). C’est trop. Mon père n’a pu survivre jusque là.

Faudrait-il considérer qu’il était légitime de demander une réparation à la France encore combattante ou se relevant de ses ruines (comme l’a fait la SNCF, qui a fait payer et surfacturé à la République les convois livrés à Vichy), et illégitime de la demander une fois la France redevenue prospère ?



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