Plein le dos. Jacques Robin n’est plus.
par Alain Lipietz

dimanche 8 juillet 2007

Cette semaine, je sèche la réunion du groupe Verts/ALE à Bruxelles, sauf un petit saut pour… la fête du groupe. Et bien sûr, les entretiens usuels, délégation de notaires organisant leur colloque sur le développement durable, etc…

C’est que, outre Francine qui subit la 8e injection de sa chimio, je dois m’occuper un peu de ma propre santé. Dentiste, IRM, échographie… Bilan : j’ai deux hernies discales dans les cervicales. Faut bien somatiser, quelque part, cette dernière année pas terrible. « Quand l’Ombre menaça de sa fatale loi tel vieux Rêve, désir et mal de mes vertèbres… »

Mais rassurez-vous, je travaille aussi à la maison ! Des articles que vous verrez quand ils sortiront. Un bilan de mon année pour la brochure que Sinople distribuera aux Journées d’été des Verts. Et puis la mise au point de mon rapport sur le changement climatique que je dois rendre à la traduction. Et puis encore répondre à un tas de messages en retard sur le forum de ce blog.

Et puis évidemment, comme toujours, tenter de ranger mon bureau (non, pas de photo, svp...)

Sinon, quelques nouvelles gaies.

Dado, sans-papière que je parraine depuis 1997 a enfin obtenu des papiers non seulement pour elle mais pour son mari. Me Monod, avocat agréé au Conseil d’Etat, a déposé un excellent mémoire en cassation contre la Cour Administrative d’Appel qui a invalidé le jugement de Toulouse sur la responsabilité de la direction SNCF dans la Shoah, au motif que… la SNCF n’était pas en service public.

Surtout, avec la fée Perline, on s’en est payé une bonne tranche samedi. Borloo avait annoncé à grands tralalas le lancement du "Grenelle de l’environnement" (excellente idée au demeurant). Dans le dossier de presse on signalait le lancement d’un houèbe dédié, www.legrenelleenvironnement.fr. Alors... eh bien cliquez et allez voir sur ce site.

Et pius, quelques nouvelles tristes.

Jacques Robin, n’est plus. Lui, le passeur d’idées, l’inusable animateur de Transversales-Sciences-Cultures et le cofondateur des États Généraux de l’Ecologie Politique. Un homme à la générosité infinie, qui préférait voir vivre une idée sans que l’on sut que c’était la sienne, plutôt que la voir s’étioler pour l’estampille de sa gloriole. Qui maternait cette idée dans des cercles avec d’autres intellectuels, pour la faire partager par les « politiques » qui voudraient bien s’en emparer.

Avec lui, j’ai un peu l’impression qu’un monde se clôt, où les Verts se donnaient le temps de travailler avec les intellectuels et les acteurs de la société civile, où ils « co-élaboraient ». Ce monde s’est fermé, du côté Verts, à l’AG de Reims, avec le remplacement, à la responsabilité de cette interface, de Natalie Riollet par Anne-Marie Billotet, mais s’est-il vraiment renouvelé à l’extérieur ? On a toujours l’impression que « les géants de 48 étaient plus grands que ceusses d’au jour d’aujourd’hui ». Pour s’en tenir à la dernière grande bataille politique qui ait déchiré notre société : les amis de Robin, les Edgar Morin, ou les autres, ces géants vieillissants qui prirent aussi le risque d’aller à contre-courant (Wallerstein, Negri…), n’avaient plus guère la force de soutenir médiatiquement leur Oui. Qui, des jeunes ou moins jeunes hussards qui se poussèrent du coude pour occuper l’espace médiatique du Non, qui, à 2 ans de distance, tient encore la route ?

J’ai renoncé, il y a 15 ans, en devenant un « politique » votant nuit et jour les crédits pour la Voie Rapide de l’Ouest Parisien ou les règles prudentielles européennes des conglomérats financiers, à rester ce que j’étais programmé pour être, un « intellectuel ». Et quand je me retranche dans mon jardin secret, c’est pour fuir du plus loin l’art « engagé » : chez Mallarmé. Mais, lorsque, selon la technique que m’avait expliqué un collègue francologue de Harvard, je me risque, retrouvant Paris, au jeu du « FNAC-Table-Watching » (avoir, d’un seul coup d’œil sur la table des nouveautés de la FNAC, un aperçu des livres français qui vont secouer le monde ), je vois bien que ce temps des Sartre, des Barthes, des Althusser, des Guattari, des Liotard, des Bourdieu, des Thom, que ce temps est fini.



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