Hugo Chavez
par Alain Lipietz

vendredi 8 mars 2013

Le président du Vénézuela, Hugo Chavez est mort, et sa mort est l’occasion d’un déchainement de louanges ou de condamnations.

Moi, je l’aimais bien. Je l’ai rencontré plusieurs fois, avant comme après ma nomination à la présidence de la Délégation du Parlement européen pour la Communauté andine, et j’ai vu quand ça a commencé à ne plus très bien tourner. Alors si malgré tout je l’aimais bien, pour son enthousiasme communicatif, sa généreuse énergie, et disons-le son charme, je comprends la peine immense du peuple vénézuélien.

L’amour qui lui portait son peuple témoigne pour lui, mais ce n’est pas suffisant : après tout, Staline a suscité des actes de ferveur, probablement moins sincères, certes. Chavez, son peuple l’aimait, car il proclamait (et en partie s’efforçait de) gouverner en sa faveur.

Non, ce n’était pas un dictateur. Même pas un Poutine. Que le Venezuela ne soit pas une dictature saute aux yeux dès qu’on y met les pieds. Les medias d’oppositions sont omniprésents, les ex-putschistes ont pignon sur rue, Chavez perdait une élection sur trois…

Mais ce n’était pas non plus un « exemple pour la gauche européenne ». Invité lors de la dernière Fête de l’Huma à présenter « mon » bilan de l’expérience chaviste, je ne cachais pas mes critiques, quoiqu’en termes diplomatiques, et recueillis les compliments des officiels vénézuéliens qui se trouvaient là, pour mon objectivité. On trouvera un bilan bien plus dur chez le grand connaisseur qu’est Marc Saint-Upéry : « un empowerment symbolique des couches marginalisées, une couche de peinture rouge sur un capitalisme d’État rentier », et bref, un « anti-modèle à gauche ».. En réalité, le pire du bilan d’Hugo Chavez fut l’incroyable gaspillage d’espoirs, d’argent et de bonnes volontés engendré par son mépris souverain pour toute institutionnalisation.

Mais on ne peut pas ignorer l’autre thème sensible : ses rapports à l’Iran, et plus généralement aux dictatures nationalistes. Notons d’abord que tous les pays de la « gauche modérée » latino-américaine (y compris Lula) avait le même, strictement déterminé par la géopolitique : une solidarité des « puissances moyennes » contre l’hyper puissance, contre les USA en général, et dans le cadre de l’OPEP , contre l’Arabie Saoudite. Le problème avec Ahmadinejad, c’est qu’il s’agit d’un dictateur antisémite (mais encore une fois ça n’a pas gêné non plus les Brésiliens).

L’absence de réaction de Chavez et d’une grande partie de la gauche latino en général contre les provoc antisémites de Ahmadinejad reste cependant choquante. Oui, l’anti-impérialisme de cette gauche l’a rendue aveugle, y compris dans son absence de soutien aux oppositions aux dictatures, que ce soit à Cuba ou face aux révolutions arabes. Et il y a même une certaine continuité entre le vieil antisémitisme « anti-ploutocrate » des années 30 et son opposition à « Israel-allié-des-USA », dont témoigne la monstrueuse toile du grand peintre surréaliste chilien (et de gauche), Roberto Matta : Les juges partent en guerre (procès de Nuremberg) (1967).

les_juges

La logique de « l’ennemi de notre ennemi » : poison détestable de l’anti-impérialisme.



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