OGM, statut des députés…
par Alain Lipietz

samedi 25 juin 2005

Hier, vendredi, grosse victoire sur le front des OGM : le Conseil de l’agriculture retoque la décision de la Commission européenne d’interdire à plusieurs Etats-membres de maintenir leur moratoire sur cinq OGM. Depuis plusieurs semaines, Michel Somville, notre collaborateur en charge de la question, avait alerté les députés. Il nous avait montré sur un tableau des votes probables qu’il ne manquait qu’une dizaine de points (dans la pondération de Nice : deux petits pays) pour obtenir la majorité qualifiée en Conseil. Le travail de lobbyisme sur les gouvernements nationaux a donc bien marché, pour une fois. Mais, bien sûr, c’est surtout l’Espagne qui, en changeant de camp, a modifié les équilibres. Ce qui montre en passant que, contrairement à ce que pensait un militant d’Attac qui suivait avec attention ce genre de débat, il n’est pas si difficile d’obtenir une majorité qualifiée en Conseil pour renverser une décision de la commission en matière d’OGM. Cela démontre surtout le poids de l’opinion publique et de son opposition, pour l’instant inébranlable, à l’arrivée des organismes génétiquement modifiés en Europe.

Ah, j’oubliais, dans mon blog de jeudi ! A la mini-session, nous avons enfin voté le statut unifié des députés européens. Débat un peu compliqué : jusqu’à présent, les députés européens incarnent le fameux « principe du pays d’origine », c’est-à-dire qu’ils sont payés par leurs parlements nationaux, et au même salaire que leur députés nationaux. Ce qui n’est qu’à moitié légitime puisqu’ils passent quand même une bonne partie de leur temps à Bruxelles ou Strasbourg. On a ainsi des indemnités parlementaires s’étendant de 12 000 euros par mois pour les Italiens à moins de 1 000 pour les pays baltes les plus pauvres (voir sur mon site le cas des députés français). Depuis des années, on cherchait donc à fixer un salaire unique pour tous les députés, salaire qui bien sûr ne pouvait pas être celui des Italiens mais permettrait à un député de droite d’un pays pauvre de vivre à peu près sur le même pied, à Bruxelles ou Strasbourg ! Finalement, le Conseil et le Parlement se sont accordés sur un salaire de 7 000 euros par mois à compter de la prochaine législature. C’est cette proposition qui a été acceptée jeudi par les parlementaires.

Les Verts s’étaient divisés. Les uns étaient pour le voter afin d’en finir, les autres étaient pour s’abstenir pour protester contre le trop haut niveau de salaire, à une époque où la classe politique européenne est décriée. Les quelques amendements présentés par les Verts (il s’agissait de faire au moins cotiser les députés à leur pension de retraite...) ayant été retoqués en plénière, la plupart des Verts (dont moi) se sont finalement abstenus.

Et comment font actuellement les députés les plus pauvres pour survivre à Bruxelles ou Strasbourg ? Eh bien nous sommes remboursés de nos frais de séjour et par une indemnité de voyage kilométrique sur une base forfaitaire. Il suffit de se déplacer en train et en seconde plutôt qu’en avion classe affaire, ou de loger dans des hôtels modestes, pour se faire un petit bénéfice d’autant plus important qu’on vient de plus loin. On calcule que pour un député habitant l’Est de l’Allemagne, cela peut déjà représenter un bénéfice de 4 000 euros par mois… Dorénavant, ces remboursements de frais se feront au réel. Mesure « moralisatrice » qui n’aura aucun impact en économie de coût, puisque maintenant les députés n’auront plus aucun scrupule à prendre des billets de transport et des hôtels plus confortables… et que les coûts d’administration des remboursements vont exploser. Mais c’est le prix de la moralisation.

Bon, la vie de député a quand même ses moments de détente. Samedi après-midi, débat chez les Verts de Charente-maritime, près de Saint-Jean d’Angély. La fête se passe dans l’exploitation d’un paysan qui fait du cognac. Avec les paysans du coin, les militants, les journalistes, on discute de l’échec du Conseil sur la question du financement futur de l’Europe, et des risques de remise en cause du budget de la PAC. Il est bien clair que Blair n’a pas obtenu ce qu’il voulait, il est tout aussi clair qu’il reviendra à la charge avec pas mal de chances de gagner finalement, tant la politique agricole commune est délégitimée. L’opinion générale, c’est que si le Conseil décide des économies sur la PAC, ce sont les petits et moyens paysans qui trinqueront, et seule l’agriculture hyper-productiviste et exportatrice survivra. Car dans le traité de Nice, seuls les gouvernements décident de la PAC et ils ne sont sensibles qu’à ce secteur-là de l’agriculture.

Et dire que si le Oui était passé, les députés européens (sous la double pression des paysans pauvres et moyens... et des consommateurs !) auraient voté dès la fin 2006 le budget de dépenses de la PAC pour l’année 2007 ! Il parait que certains militants de la Confédération paysanne commencent à se poser des questions sur les choix tactiques de leurs dirigeants...



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