La vie sur un fil
par Alain Lipietz

dimanche 21 septembre 2008

La situation de Francine est devenue encore plus critique. Cela ne m’a pas empêché de m’éloigner d’elle cette semaine pour mon activité militante (Bruxelles, Annecy, Grenoble). Mais j’ai compris samedi que ce ne serait plus possible, et dorénavant je dors dans sa chambre à l’hôpital.

Francine

Comme je l’avais dit dans mon blog précédent, les corticoïdes ont dégagé son cerveau. Mais de toute façon, les tumeurs sont là et croîtront, et, nouvelle alarme, les métastases du poumon ont recommencé à grossir et bloquent sa circulation. Or, ce qui permettrait de dégager la veine-cave est dangereux pour le cerveau.

Cette fois, toutes les décisions son prises par la même équipe hospitalière, et en discussion avec nous, ce qui diminue l’effet de désorganisation dont je parlais dans mon blog précédent. N’empêche que, quand elle va dans un autre hôpital (pour examiner la possibilité d’une radiothérapie du cerveau), on la laisse une heure et demi en salle d’attente sans oxygène alors qu’elle en a besoin pour respirer...

Et si l’hôpital français s’inspirait des méthodes du Kanban japonais, qui a fait le succès de Toyota ? Chaque ouvrier qui monte une pièce envoie un message plié dans un mouchoir (kanban) à l’usine qui a produit la pièce...

A propos de travailleurs qualifiés et "impliqués", je découvre aussi le rôle de l’infirmière expérimentée. Quand je reviens Samedi de Grenoble, elle m’avertit : « Je connais Francine depuis des années, elle est très courageuse mais là elle est très angoissée, surtout si vous vous éloignez – Bon, je peux dormir ici ? –Oui, je vous prépare un lit. Et les médecins devraient faire ceci et cela. – Je peux en parler à l’interne de garde ? – Non, j’appelle le chef du service, je lui explique et je vous le passe ». Et c’est en effet son avis qui est appliqué…

Francine est toujours aussi lucide et courageuse, parent-e-s et ami-e-s viennent la voir, je reçois aussi beaucoup de mails d’encouragements ou de témoignages qui nous font le plus grand bien.

Comme elle tient salon à l’hôpital, pendant la journée, je repars travailler. J’ai ainsi mis au point la sortie très prochaine chez In Libro Veritas de son recueil de nouvelles Trames étranges dont vous trouverez ici la postface. Mon gendre Sacha a fait une couverture extraordinairement belle !

Après relecture de son manuscrit, Francine ne se sent pas la force de remanier son premier roman, La femme à la fenêtre, sur lequel elle travaille depuis 2003. Un roman terrible et magnifique, peut-être l’histoire de son double, un double qui aurait raté la libération féministe. Je le mets en ligne sur In Libro Veritas, où vous pouvez lire, commenter, et commander toute l’œuvre de Francine (attention, son nom de plume est Ségeste, le mien est Lancelot quand je parle d’elle, et Pangloss quand je m’essaie à la critique littéraire, ou dans le conte rigolard Le « videur » du Cyberespace que j’ai écrit pour l’amuser.)

++++Ecologistes

Mercredi matin, saut à Bruxelles pour discuter de l’Union des écologistes aux européennes 2009. Ça avance très bien. Yannick Jadot et Eva Joly confirment leur participation, on va faire un malheur.

Quand on y pense… C’était déjà la ligne adoptée par les Verts en 2002-2003, celle de l’alliance avec les mouvements sociaux. Comme il arrive souvent, les Verts avaient adopté cette position, celle du « front solidaire » et de la « co-élaboration », mais ne l’avaient guère mise en pratique. Avec le Collège exécutif de l’époque, j’avais réussi à monter un « Trois heures pour l’écologie » où ils étaient déjà là, Nicolas Hulot, Michèle Rivasi (alors directrice de Greenpeace, fondatrice de la CRIRAD et qui depuis est rentrée aux Verts), Allain Bougrain-Dubourg (président de la Ligue de Protection des Oiseaux)… À partir de leurs interventions, Natalie (une de mes actuelles assistantes, qui était alors membre du Collège exécutif des Verts, en charge du dialogue avec les acteurs sociaux) avait réalisée une très jolie brochure (cliquer ici) que j’ai diffusée pendant la campagne des européennes 2004. Non seulement la brochure était préfacée par Nicolas Hulot, mais un article de Hulot, Rivasi et Bougrain-Dubourg s’intitulait déjà « Vers de nouvelles alliances ».

Que d’années perdues !

++++Annecy

Vendredi soir, conférence de presse et réunion-débat des Verts à Annecy, avant le week-end où la société civile se mobilise contre les ministres de l’agriculture du Conseil européen. Tout en rappelant que les parlementaires européens n’ont aucun pouvoir sur la Politique Agriculture Commune dans le cadre de la constitution de Maastricht-Nice (ils en auraient eu dans le cadre du TCE, ils en auraient si le traité de Lisbonne était adopté…), j’explique comment, sous prétexte de lutter contre la surproduction, l’actuelle mouture de la PAC aboutit à des absurdités aggravées par les choix propres du gouvernement français.

La présidence française, tout en rappelant que l’agriculture doit respecter l’environnement… souligne que le risque de rareté est prioritaire et qu’il faut relancer la PAC dans une grande vague productiviste et exportatrice ! On trouvera ici Quelles priorités pour l’agriculture, la note de Sinople sur le débat européen et la position des Verts.

++++Grenoble

Un camarade me conduit d’Annecy à Grenoble pour la nuit, car le lendemain matin, « Grenoble MC2 » : c’est le fameux forum de Libération. J’y suis confronté à ma jeune camarade Nathalie Kosciusco-Morizet sur le thème « L’écologie politique est-elle morte ? ».

Pour ma réponse, c’est du gâteau : à la Une de Libé de ce matin-là, Nicolas Hulot pousse un coup de gueule sur les objectifs du Grenelle complètement sacrifiés, et impossible à financer (du fait des 15 milliards par an offerts aux riches par Sarkozy dès le début de sa présidence). Bref, pas de politique écologiste si l’écologie politique n’est pas au pouvoir ! Le débat est très intéressant et permet de préciser ce que nous, écologistes, ferions de cet argent pour une « relance Verte » si nous gagnions les élections.

Car n’ayons pas peur des mots : si on veut une « décroissance » de la crise écologique, et donc de notre « empreinte écologique », il faudra une croissance massive de l’activité humaine qui sera extrêmement riche en emplois.



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