La droite européenne redevient keynesienne ?

12 juin 2003 par Alain Lipietz

Double surprise ce matin à la Commission Economique et Monétaire !

D’abord, le ministre des finances italien, et donc président du conseil ECOFIN à partir du 1er juillet, Tremonti, s’invite à la réunion des coordinateurs de groupes (où je représente les Verts) pour nous présenter en avant-première son projet pour relancer l’économie européenne dans un monde guetté par la déflation.

Il s’apprête à proposer un plan de grands travaux, financé par des emprunts à 35 ans, d’un montant supérieur à 50 milliards d’euros ! Il n’est pas précisé si les dettes publiques correspondantes seront intégrées aux critères du pacte de stabilité...

Puis le président de la BCE, Wim Duisenberg, présente à la CEM son rapport trimestriel fichier pdf 225 ko. Il reconnaît que "certains aspects de la stratégie de la Banque Centrale nécessitaient une clarification". Dorénavant, il est dit que la cible définissant la stabilité des prix est bien "au-dessous de 2% sur le moyen terme"... mais "près de 2%" !
Alors qu’il résultait de tous nos débats antérieurs que la BCE devait selon lui commencer à freiner l’économie dès que l’inflation s’approchait de 2% (et donc que l’inflation devait rester encadrée entre 0 et 2%), M. Duisenberg admet en somme qu’il faut viser 1,9% plus ou moins quelque chose ! Et il précise : "afin de garder une marge suffisante pour éviter la déflation". Accessoirement, il reconnaît ainsi que la politique monétaire a bien un rôle actif sur l’économie réelle...

Bref, pour justifier la baisse d’un demi pourcent des taux d’intérêts, on n’invoque plus tant le ralentissement de l’inflation que la peur de la déflation.

Faut-il que la situation soit grave pour que le ministre de Berlusconi et le gardien du temple monétariste se rallient en même temps au keynesianisme budgétaire et monétaire !



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