Désormais retraité, je sillonne la France pour Europe Ecologie. Lundi : Montpellier, mercredi : Saint-Etienne, Vendredi : Bayonne, Samedi : Strasbourg, Dimanche : Ivry…
Partout, je suis frappé par l’affluence à ces débats et l’enthousiasme des militants qui les organisent. L’impression qu’on est « les seuls à faire campagne » n’est pas tout à fait exacte. Les autres font aussi des réunions, mais il y a beaucoup moins de monde.
Pourtant, cela ne se reflète pas encore dans les sondages, sauf en Ile-de-France où nous distançons le Modem dans trois sondages, et commençons à disputer la deuxième place au parti socialiste. Ailleurs, nous sommes certes loin devant les listes protestataires, mais derrière le Modem.
Il y a donc pour l’heure un certain décalage entre le « succès d’estime », considérable, et la traduction en termes d’intentions de vote. Probablement, cela est dû au fait que les journalistes n’ont pas repéré ce qui est en train de se passer, et donc, par une « prophétie auto-réalisatrice », ils minorent la poussée d’Europe Ecologie.
Incontestablement, c’est avec le Modem que la rivalité se tend. Désormais, la « concurrence » avec la gauche protestataire (NPA et Front de gauche) a tourné à notre avantage : les électeurs politisés ne comprennent tout simplement pas quel est l’intérêt de se présenter aux élections européennes quand on est simplement pour une Europe des luttes.
Du coté du Modem, en revanche, c’est vraiment la bataille du contenu : même pas encore sur le « contenu du contenu », mais sur le fait que la campagne doit avoir ou non un contenu. Bayrou mène entièrement campagne sur la préparation de « sa » présidentielle de 2012. On y reviendra un jour sur ce blog, mais ce n’est vraiment pas le sujet.
A Saint-Etienne d’ailleurs, des participants à notre débat, encartés au Modem, confient à un Vert à la sortie : « On était venu défiant envers les Verts. On s’est aperçu que vous êtes beaucoup moins collés au PS qu’on ne le croyait, et avec des gens hyper compétents. On votera pour vous ». Il faut dire que Michèle Rivasi a été excellente…
Et le PS, alors ? Tout en faisant rituellement référence à un « Manifesto européen » (dont il ne semble guère maîtriser voire approuver le contenu), il est tombé à plein dans le piège de Sarkozy et de Bayrou : faire de ces élections européennes un troisième tour de la présidentielle de 2007 ou un tour de chauffe de celle de 2012. Nous n’arrivons donc pas à embrayer avec eux, pas plus qu’avec le Modem, sur le contenu du contenu, c’est-à-dire : « Pourquoi avez-vous voté le compromis désastreux Merkel-Sarkozy sur le climat ? Inverserez-vous votre vote si nous gagnons les élections ? Etes-vous prêts à vous battre contre un New Deal ordinaire et pour un New Deal Vert ? Assumez-vous la conversion verte de l’industrie automobile ? Lutterez-vous avec nous pour abolir la directive de la honte ? Que ferez-vous en prochaines lectures sur l’amendement anti-Hadopi, la directive de protection des forêts tropicales, la directive sur le temps de travail ? Etc. »
C’est ce débat-là que nous essayons de mener, c’est ce débat-là auquel se refusent absolument tous les autres groupes politiques. Et c’est ce qui nous vaut notre succès d’estime, mais sans aucune garantie qu’il se transformera dans les urnes. Car, comme en 2004, les grands médias, contrôlés par Sarkozy, ont décidé d’organiser le black-out sur la campagne européenne. Leur but, et leur tactique (c’est encore une « prophétie auto-réalisatrice »), c’est de convaincre que « les Européennes, tout le monde s’en contrefiche ». Il est évident que les dominants n’ont pas intérêt à ce que les dominés participent aux élections…
Dans cette « bataille du contenu », j’ai encore d’autres témoignages de la divergence entre les Verts et les autres partis, lors de multiples réunions plus « techniques », plus confidentielles, où nous discutons avec les organisations de la société civile, comme mardi, avec les mouvements de solidarité agro-alimentaire avec le Tiers-monde (CCFD, Confédération paysanne, etc.) réunis dans « PAC 2013 », jeudi avec les organisations de l’économie sociale et avec les entreprises publiques sur les services publics. Alors que mes honorables collègues du PS et du Modem passent leur temps à échanger des piques l’un contre l’autre (sur « qui a voté quoi »), je prends mes interlocuteurs pour ce qu’ils sont : d’actuels et de futurs partenaires dans la discussion avec nos futurs élu-e-s. De ce point de vue, je ne peux que me réjouir chaque fois que le ou la représentant-e du Modem ou du PS disent la même chose que moi : des alliances s’esquissent pour la prochaine mandature !
Justement, au niveau européen, les choses bougent. Le président du PSE, Poul Rasmussen, vient enfin d’annoncer que les socialistes européens renonçaient à leur compromis traditionnel avec le PPE et chercheraient à gouverner avec les Verts. Vous trouverez là la réponse des Verts sur le site du groupe Verts/ALE au Parlement européen, comme vous y trouverez un très bel e-book sur les propositions des Verts européens face à la crise.
Un mot quand même sur l’aspect « franco-français ». Europe Ecologie est une extraordinaire réussite dans la co-élaboration et le co-militantisme avec les associatifs. Dans les débats, on ne fait pratiquement plus la différence, et personne chez les associatifs ne se vexe quand nos langues fourchent et disent « la liste des Verts » au lieu de « la liste Europe Ecologie ». Au contraire, à l’issue des débats, beaucoup d’associatifs viennent me voir pour demander « Et comment on continue après ? » C’est une question très délicate car il faut aller à la fois vite et de façon réfléchie. Jusqu’ici, je considérais qu’Europe Ecologie, en amalgamant des partis (les Verts, Régions et peuples solidaires) et des associatifs ou des syndicalistes (FNE, Greenpeace, Fondation Hulot, Confédération paysanne), permettait, sur UN projet (envoyer beaucoup d’écologistes au Parlement européen), de dépasser la méfiance traditionnelle partis - associations – syndicats. Mais d’ores et déjà, des associatifs rentrent aux Verts et surtout, nous demandent ce qu’on fait « après ».
Le débat doit être lancé. On ne peut pas se contenter de répondre « Si vous voulez continuer à faire de la politique, vous n’avez qu’à entrer aux Verts ». On ne peut pas non plus répondre « Restez représentants de l’associatif, on vous donne rendez-vous à la prochaine occasion, qui pourrait être les régionales ». C’est vrai que les élections régionales, si elles restent « à la proportionnelle », sont une occasion en or pour consolider et enraciner sur le terrain ce qui est en train de se passer. Aux régionales, il faudra en outre poser la question sur laquelle le Modem va se fracasser : celle de l’alliance pour construire des exécutifs. Maintenant, comment formaliser tout ça ? Je ne sais pas encore.
Je voudrais quand même finir ce blog en soulignant l’immense plaisir que j’ai moi-même à faire cette campagne. Je suis totalement épuisé par la fin de mon mandat, je l’ai dit, et pourtant, je n’ai jamais autant voyagé pour une campagne où je ne suis pas candidat, et je me sens pousser des ailes après chaque débat. Un exemple, la réunion à la Chambre d’agriculture alternative du Pays basque, dans un petit village des Pyrénées.
Forte affluence malgré le beau temps qui a retenu les paysans dans les champs. Manifestement, le mouvement « Abertzale » (Basques de France), le syndicalisme basque, tout comme les paysans basques, très engagés dans l’agriculture de qualité, sont avec Europe Ecologie, et ça se sent. Bozka Bové, Bozka Menane !
Même chose chez les artistes : le dimanche, le groupe d’Europe Ecologie d’Ivry a eu l’intelligence d’organiser un débat (son deuxième pour cette campagne !) autour d’une pièce du théâtre Aleph, alors même que, dans la journée, Ariane Mnouchkine et Europe Ecologie organisaient le Festival de la dissidence (avec forte affluence…) à la Cartoucherie.
Oui, c’est vraiment du jamais vu dans l’histoire des Verts.