Sans-papiers : Amère victoire
par Alain Lipietz

samedi 7 mai 2005

Ce matin, conférence de presse avenue Turbigo : on célèbre la régularisation des 12 sans-papiers grévistes de la faim ! Cette victoire, il faut bien sûr s’en réjouir. Mais je ne peux cacher aux journalistes mon indignation. Le gouvernement vient de fixer un nouveau tarif : pour avoir ses papiers, il faut aller les chercher jusqu’aux portes de la mort. 50 jours de grève de la faim : on ne l’avait jamais frôlée d’aussi près...

Depuis ma première visite, je n’ai pas hésité à faire valoir les arguments alarmistes auprès des plus hautes autorités de l’Etat : « Vous allez avoir les premiers morts d’une grève de la faim en France, à quelques jours du referendum. » Pas très jolis comme arguments : ces grévistes de la faim avaient le droit à la légalisation, beaucoup d’entre eux ont plus de 10 ans de présence et sont donc régis par la loi Reseda. Et de toute façon, la France ferait bien de prendre de la graine auprès de l’Italie et de l’Espagne qui régularisent les sans-papiers par centaines de milliers.

A la sortie, des militants du Non (c’est à dire de Nice !), badgés SUD, m’insultent : “Hypocrite, partisan de l’Europe forteresse !” La presse se précipite sur eux. Heureusement, les organisateurs/trices du comité de soutien font taire ces individus.

À propos de Constitution... Dans ces jours de recherche désespérée de la bonne sonnette à tirer, j’ai appelé, au ministère de l’intérieur, un vieux copain, Didier, qui est devenu... directeur des cultes ! Oui, dans la France laïque, dans la France post-1905 de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, il y a une direction des cultes au ministère de l’Intérieur (alors qu’il n’y a pas de Commissaire aux cultes à Bruxelles).

Après quelques mots sur la situation critique des grévistes de la faim, Didier oriente la conversation sur son problème : les conflits entre défenseurs du bien-être des animaux et organisations religieuses, sur un point fondamental de théologie monothéiste, dont la solution incombe bel et bien au ministère de l’Intérieur. Jusqu’où peut-on assommer un animal avant de le tuer (pour ne pas le saigner à vif) sans que sa viande cesse d’être hallal ou cachère ? Didier a bien tenté de suggérer un critère : l’évanouissement doit être réversible. C’est OK pour les moutons, mais un coup à assommer un bœuf, en fait, tue le bœuf (si j’ai bien compris). Du coup il n’est plus cacher.

Et pendant ce temps-là, les militants du Non s’indignent que le TCE propose de "maintenir avec les églises et les sociétés philosophiques un dialogue transparent” ! Ce n’est pas en France que ça arriverait...



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