Crochet par l’Argentine
par Alain Lipietz

lundi 13 juin 2005

Sur la route de Lima, je fais un crochet par Cordoba, ville de l’intérieur de l’Argentine. Cordoba est depuis vingt ans ma base arrière latino. J’y ai des ami-e-s, syndicalistes (Luz y Fuerza, les héritiers du « Cordobazo » et les nouveaux du CAT), coopérativistes, animateurs-trices du tiers-secteur et des coopératives sociales, enseignant-e-s à leur service…

L’Argentine va beaucoup mieux depuis ma dernière visite. On était alors au cœur de la crise qui avait conduit à l’effondrement économique et à l’effondrement de la classe politique. Le nouveau président, Kirchner, est pour beaucoup dans cette renaissance. Il a su réhabiliter une certaine image éthique de la politique, quoi qu’appartenant à l’appareil péroniste. Mais il n’a aucune base politique en dehors du soutien de l’opinion, et c’est un véritable problème pour la rénovation en profondeur de la vie locale argentine.

Les mesures vertueuses qu’il a prises ont un effet macro-économique : contrôle des changes bloquant la fuite des capitaux, lutte contre la corruption qui diminue les coûts de la gestion publique… Une certaine prospérité revient avec la reprise de l’activité. Plus structurellement, il semble que l’administration qui l’entoure revient à certains des préceptes « cépalistes » pour la substitution d’importations : on revoit de la production argentine dans les boutiques... D’où une certaine proximité paradoxale avec le président Chavez du Venezuela, à l’image beaucoup plus radicale.

Quant aux coopératives sociales, qui avaient permis à l’Argentine de survivre au fond du trou, beaucoup sont toujours là. Elles s’institutionnalisent progressivement en un véritable tiers-secteur. Leur difficulté principale est alors la culture de la marginalité et de l’illégalisme qui les caractérise à l’origine. Chez les animateurs et les militants, et surtout chez les jeunes marginaux de ce secteur, on n’a aucune idée des prix relatifs, ou plutôt une idée très particulière : celle qui règne dans le trafic. Une bicyclette volée y vaut trois pains !



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