Europe-Écologie : dernières impressions de campagne.
par Alain Lipietz

vendredi 12 mars 2010

Mercredi, avec le meeting de Marseille, s’est achevée pour moi cette magnifique campagne de premier tour d’Europe-Écologie. En principe j’étais déjà en vacances en famille, à Serre-Chevalier (avec enfants et petits-enfants), mais… Après le meeting d’Aix, suis revenu en train à Bourg pour le meeting de l’Ain, et de là reparti pour les Hautes Alpes : lundi réunion-débat à Briançon, mercredi donc Marseille et j’ai quand même eu la force de refuser la dernière réunion à Gap !

Les derniers meetings sont moins intéressants que les réunions-débats pour connaître la réalité du « mouvement politique de masse » qu’est EE. Ce qui est toujours impressionnant, comme à Sannois où « ça marche » malgré la crise profonde dans laquelle la direction francilienne de la campagne a plongé le Val d’Oise. Ou encore à la réunion « Libres et innovants » où l’on constate que le mouvement du logiciel et de l’internet libre nous reste attaché. Ou encore à Villeparisis, où Stéphane Gatignon, maire communiste de Sevran et tête de liste EE de la Seine-Saint-Denis, explique ses difficultés à obtenir, même des bailleurs sociaux, qu’ils construisent des bâtiments conformes aux normes énergétiques de 2012 !

En revanche je découvre un échantillon des candidats départementaux ! En PACA comme en Rhone-Alpes, c’est assez impressionnant.

A Aix, je découvre le rassemblement réalisé en Provence-Alpes-Cote-d’Azur : de CAP 21 à la FASE ! Même si les sondages ne sont pas très favorables ( le « coude à coude » se joue ici comme dans le Nord pour la 3e place, avec le FN…), EE-PACA a réalisé une belle ouverture.

Pour moi le plus étonnant de ces derniers meetings est celui de Bourg. Autour de Philippe Meirieu, tête de lite régionale, Alain Chabrolle, tête de liste de l’Ain et Lela Bencharif, tête de liste de la Loire. Alain est ancien porte-parole de la Frapna, qui est en quelque sorte la mère de l’écologie politique en France. Lela anime un Groupe de réflexion et d’animation interculturel. Sur les affiches et à la tribune, elle arbore un petit foulard rouge sur sa superbe chevelure. Note d’humour digne de Lewis Caroll : si elle était « gauloise » on ne le remarquerait même pas, mais comme elle d’origine maghrébine on peut se demander s’il ne s’agirait pas d’un « signe religieux ostensible », et dans ce cas les lieux d’enseignement publics lui seraient interdits ! Astucieuse manière d’évoquer l’insoluble contradiction de la loi Sarkozy, qui se prétend laïque mais ne peut que révéler son islamophobie face à l’énigme de la coiffure de Lela. Europe Écologie a le melting pot joyeux.

Mai bien sûr, la découverte, c’est Philipppe Meirieu. Je le connaissais pour sa contribution majeure à la pédagogie, il était depuis longtemps un proche des Verts (déjà dans le petit groupe d’intellectuels autour de la ministre Dominique Voynet), mais je le découvre remarquable orateur politique. Sans doute la révélation de ces élections, comme Eva Joly l’an dernier. Un candidat que l’on écoute pour s’instruire, pour progresser dans sa réflexion, un candidat qui vous nourrit, qui vous fait grandir.

Après les bons points, les bonnets d’âne. On n’a que l’embarras du choix. On a été gâté : en fin de campagne, nul ne peut plus prétendre que « dorénavant tout le monde est écologiste ». Sarkozy a jeté l’éponge au Salon de l’agriculture : « L’écologie, ça commence à bien faire ! » Le PS lui a emboîté le pas en réclamant la déprogrammation d’Ushuaia à la veille du vote : une émission écologique ne peut que servir, à ses yeux, Europe-Écologie… et sûrement pas le PS puisqu’il n’a rien à voir avec l’écologie !

Plus anecdotique mais instructif : les chevènementistes du MRC, comme le maire du Kremlin-Bicêtre, Jean-Luc Laurent, deuxième homme sur la liste Huchon en Val de Marne quand même, qui déclare la guerre à « l’écologie, doctrine de l’apocalypse ». « Rien ne serait plus inconséquent, écrit-il, que de courir derrière cette idéologie dans le vent : c’est un courant d’air ! ». Ou les MRC de l’Essonne, qui passent carrément sur la liste du souverainiste de droite N. Dupont-Aignan.

Quant à EE dans son ensemble, je lui donnais comme base de départ le résultat de EE aux européennes moins 2% (à cause de l’implantation locale du PS), soit à peu près la somme du résultat des Verts et de Génération Ecologie aux régionales de 1992. Il faudra analyser qui a fait mieux, qui moins bien, et pourquoi. Mais restera toujours la formidable mobilisation des militants, Verts ou associatifs, dont la plupart n’avaient pas de poste d’élu à espérer !

Et surtout le bond en avant de la conscience dans la population de France.



Reproduction autorisée avec la mention © lipietz.net http://lipietz.net/?page=blog&id_breve=386 (Retour au format normal)