Les réunions-débats d’Europe Écologie se succèdent à rythme d’enfer. Lundi et mardi, tournée en Bretagne : Brest, Quimper (dont vous avez ici, en cliquant, l’enregistrement video !), Lannion. À Brest, une classe du lycée Diwan de Carhaix a débarqué en car, emmené par un jeune vert de 17 ans !
Mercredi, débat « Nourrir la planète » à l’excellent restaurant Trassoudaine dans le 13e. Des dames sont venues. L’une confie à la sortie : « C’est exactement ce qui correspond à mon militantisme, je suis au CCFD, on a discuté avec Oxfam : la réponse Europe Écologie à notre questionnaire est de loin la meilleure ».
L’activité de rédaction d’articles ou de réponses aux questionnaires des associations est en effet une des grosses taches des soutiens à la liste EE : voir par exemple notre réponse à France-Amérique Latine, à l’Uniopss, ou au CEGES, ou mon article dans le dernier Politis sur les enjeux écologistes de cette élection.
À Milly-La-Forêt, vendredi de Pentecôte, avec François Lerique (associatif Amap et 6è de liste), la petite salle de réunion municipale est pleine. On cause surtout AMAP et soutien à l’agriculture de proximité. Ça fait pas mal de débats sur la bouffe, dans cette campagne, finalement... J’assume : l’Union européenne s’occupe à s’occuper de la cambrure des bananes. On cause aussi économies d’énergie en Ile-de-France. Marie-Pierre Digard, qui fut notre collaboratrice au Conseil régional lorsque, pour la première fois, en 1992, les Verts entrèrent en masse dans les institutions, est maintenant conseillère régionale et présidente de l’ARENE, Agence régionale pour l’environnement et les nouvelles énergies… Elle me raconte qu’à la fac d’Orsay, il y avait 600 personnes pour le meeting de nos têtes de listes et... 60 personnes pour la tête de liste du PS, Harlem Désir ! En Ile-de-France, nous sommes en effet bien loin devant les listes de la « gauche de la gauche », devant le Modem, et talonnons le PS. Pourvu que ça se confirme !
Jeudi, un des rares débats inter-listes, à Cachan. L’association Décidons Notre Ville, dont l’électorat se partage entre le PS, les écologistes et le Front de gauche, a invité les trois listes. Marie-Noëlle Lienemann, sensée représenter le PS, est malheureusement souffrante. Aucun socialiste dans la salle ne se lève pour la remplacer au pied levé. Le débat a donc lieu entre Jo Rossignol, maire de Limeil-Brévannes (Parti de gauche et candidat Front de gauche), et moi.
Débat assez étrange. Jo et moi sommes de vieux complices : je l’avais invité à une assemblée générale des Verts alors qu’il accueillait dans sa mairie une grève de sans-papiers. Pendant toute la première partie du débat, nous sommes désespérément d’accord. Il ose même dire qu’il aurait volontiers voté pour une liste écologiste avec moi comme tête de liste, mais pas Dany Cohn-Bendit. Et d’exhiber quelques citations de Dany hors de tout contexte. Je me résous à riposter en lisant la déclaration d’un célèbre élu national français, suite au rejet d’’un fameux traité européen par un valeureux petit pays :
« On trouverait bon, un des partenaires venant à faire défaut, de renoncer à tout, en particulier à la volonté que nous portons en nous de faire l’Europe ? N’ayons pas honte de ce traité. Déjà, il va au-delà de la situation actuelle, il constitue une avancée. En tant qu’homme de gauche, je souhaiterais me tourner un instant vers certains de nos amis (l’orateur se tourne vers les travées communistes) pour leur faire entendre que ce traité est un compromis de gauche : pour la première fois, dans un traité de cette nature, des mesures d’encadrement du marché sont prévues (…) Aucune cause franco-française, à plus forte raison aucune cause de lutte politicienne ne parvient au niveau auquel se situent les enjeux de ce traité. L’intégration représente un plus pour nous ; la construction de la nation européenne est un idéal qui nourrit notre passion. Nous sommes fiers, nous sommes heureux de participer à cette construction. Nous sommes fiers de savoir qu’il va en résulter des éléments de puissance, qu’un magistère nouveau va être proposé à la France, à ma génération, dans le monde futur, qui est monde en sursis, injuste, violent, dominé pour l’instant pas une seul puissance. »
….. et j’en révèle l’auteur : Jean-Luc Mélenchon, au Sénat, le 9 juin 1992, lors du rejet du traité de Maastricht par le Danemark !
Je remercie au passage, ici, la Lettre La Commune, du NPA, d’avoir attiré mon attention sur ce texte. Cela dit, la lecture de cette Lettre m’a fait dresser les cheveux sur la tête : le NPA attaque vigoureusement le Front de gauche, parce qu’il préconise la solution de deux États en Israël et Palestine, ce qui, selon le NPA, revient à défendre l’existence d’Israël, « État théocratique » ! Le NPA est sans doute, avec Dieudonné, la seule liste à prôner la destruction d’Israël.
Je tente ensuite d’indiquer une divergence entre nous et le Front de gauche, en rappelant que les eurodéputés sortants du Front de gauche (les communistes) ont voté pour les agrocarburants et le nucléaire. Rien n’y fait, Jo Rossignol réaffirme qu’il est d’accord avec nous et en désaccord avec les positions du Parti communiste français ! Problème : d’après les sondages, le Front de gauche n’a qu’un espoir d’élu, c’est en Ile de France, Patrick Le Hyaric, rédacteur en chef de l’Humanité, journal pro-nucléaire et même pro-EPR.
Ultime occasion de souligner les différences, quelqu’un pose une question sur « Peut-on faire de l’écologie dans le cadre du capitalisme ? » Je rappelle que le maire de Limeil-Brévannes développe un éco-quartier, et certes pas bâti par une régie municipale. Jo le confirme et ajoute : « Nous allons construire un télécabine pour lequel nous mettons la RATP en concurrence avec plusieurs grandes entreprises ». J’espère que cette concurrence sera non-faussée...
À propos de la « concurrence non faussée », je rappelle qu’il s’agit essentiellement de lutter d’une part contre les ententes monopolistes, d’autre part contre le dumping social, fiscal et environnemental. On dit d’ailleurs en anglais level playing field, « terrain de jeu bien aplani »... Mais Jo est décidé à ne pas laisser apparaître de division entre nous, et sans doute a-t-il raison, nous pourrions être alliés dans quelques mois. Il va jusqu’à dire : « Sans doute le traité de Lisbonne apportera-t-il tous les avantages que souligne Alain en matière de prise de décision plus démocratique, avec vote à la majorité et codécision généralisée du Parlement, mais ce qui me choque, c’est qu’il n’ait pas été en France ratifié par référendum ». On en conclut qu’il aurait voté Oui si la question avait été soumise à référendum, comme les Verts l’avaient demandé ?
C’est d’ailleurs un problème plus général avec une partie des nonistes de gauche : convaincus in petto que le traité de Lisbonne vaut bien mieux que celui de Maastricht-Nice, ils justifient leur Non par la procédure de ratification ! C’est un peu comme s’ils s’opposaient au droit de vote des femmes sous prétexte que celui-ci a été décidé par décret du Gouvernement Provisoire de la République à Alger.
En réalité, les divergences avec le Front de gauche sont bien réelles. Je me suis fendu d’une réponse à la lettre des 36 économistes publiée dans Libération en soutien au Front de gauche. Lettre qui n’évoque qu’en trois lignes la crise écologique et ignore que l’Union européenne est déjà engagée dans une planification, y compris en termes physiques, pour lutter contre l’effet de serre. Le vrai problème, le vrai enjeu de cette élection n’est pas de savoir si l’Europe planifie ou pas, mais ce qu’elle se fixe comme plan !
P.S. Deux dates à retenir : le 7 juin bien sûr (votons tous, votons mieux). Mais aussi le 16 juin à 19 heures : hommage à la féministe, écologiste et écrivaine Francine Comte Ségeste, librairie Jonas, 14-16 rue de la Maison Blanche, Paris 13è.