Derniers jours avant le Sommet de Bruxelles
par Alain Lipietz

lundi 25 juin 2007

Je ne vais pas vous faire languir, cette semaine était essentiellement celle du Conseil européen (« Sommet ») sur le « mini-traité ». Disons qu’on est parti pour récupérer 70% des avancées du TCE. Pas trop mal. Principale victime, les services publics. Mais quand même, deux mots sur les travaux de Strasbourg, car certains touchaient justement à ce sujet.

Marchés Publics

Cette semaine à Strasbourg venait en plénière le rapport de Madame Mac Carthy, de la Commission du marché intérieur, pour lequel, je l’ai expliqué, mon rapport sur Marchés publics et stratégie de Lisbonne n’était qu’un rapport pour avis de la Commission juridique. Il avait été adopté à l’unanimité, y compris avec le soutien du PPE.

Le rapport Mac Carthy est assez vague et ne tient pas compte de notre « avis » (on admirera déjà la faiblesse de son rapport avec la « stratégie de Lisbonne »). Les Verts en redéposent donc les points essentiels sous forme d’amendements, ceux qui insistent sur la jurisprudence de la Cour de justice de Luxembourg, que les collectivités locales ont une assez large marge de manoeuvre dans la passation des marchés publics, que notamment, les partenariats public-public sont possibles sans passer par des appels d’offre, et que les sociétés d’économie mixte sont considérées comme « internes » aux administration locales si elles sont de fait contrôlées par celles-ci et y accomplissent l’essentiel de leurs activités.

Hélas ! le PPE et les libéraux s’aperçoivent in extremis de la portée exacte de ces jugements de la Cour de Luxembourg, et décident de voter conter nos amendements, que leurs représentants avaient pourtant acceptés en commission juridique ! Comme la rapporteuse est une socialiste, les PSE aussi vote contre. Résultat : nos amendements ne sont soutenus que par les Verts et les communistes de la GUE… ainsi seuls à défendre la jurisprudence de la Cour ! Le monde à l’envers…

Du coup, le rapport Mac Carthy mécontente à la fois les plus libéraux (ceux qui voudraient que tous les services publics locaux soient engagés par appel d’offre) et ceux qui pensent au contraire que les administrations locales doivent pouvoir s’organiser pour délivrer comme elles l’entendent leurs services publics locaux. Il n’est voté que par 7 voix de différence (327 contre 320 !) De toute façon, il n’a qu’une portée consultative.

Mini Traité

Mardi soir, Alain Lamassoure vient expliquer au groupe Vert le mini traité tel qu’il l’a proposé à Sarkozy et à Merkel. C’est en gros ce que les Verts avaient proposé dès le début : ne faire voter que les modifications par rapport à Maastricht-Nice, sans faire revoter ce qui reste inchangé, notamment la partie III (et qui déplaît en particulier à l’opinion publique de gauche). L’idée est de diminuer considérablement la taille du traité, pour le rendre à la fois plus acceptable et par les fédéralistes, et par les souverainistes, et par la droite et par la gauche, tout en gardant l’essentiel du TCE. Par ailleurs, le fait que le traité soit plus petit et qu’on le débarrasse du titre de Constitution justifierait, à ses yeux, qu’il soit adopté en CIG, puis par la voix parlementaire, y compris dans les pays qui ont voté Non au référendum. Enfin, argument fort : le fait d’opérer « avec des ciseaux » à partir du TCE tel qu’il était sorti de la CIG de juin 2004 permet de ne pas rouvrir la boite de Pandore en modifiant les points d’équilibre politique obtenus en 2004. Cela dit, Alain Lamassoure ne cache pas que beaucoup de gouvernements (15 sur 27 !) ont déjà changé depuis 2004, et peuvent ne pas se sentir liés par leurs signatures de l’époque.

Mercredi soir, nous recevons, sous embargo, le projet que Merkel proposera le lendemain au Conseil européen (le sommet des chefs d’État et de gouvernements). Je me jette avec voracité sur le texte, il fait 11 pages et se présente sous la forme suivante. Il s’agit d’un mandat donné par le Conseil à une Convention intergouvernementale convoquée pour le deuxième semestre, dans le but de rédiger le traité devenu « de réforme » (et non plus constitutionnel). Il est donc extrêmement compliqué à lire puisqu’il se présente comme une liste de modifications apportées aux divers traités qui régissent le fonctionnement de l’Union européenne : le traité établissant la Communauté européenne, le traité établissant l’Union européenne, et le traité Euratom.

Le texte de Merkel affirme clairement qu’il s’agit d’intégrer les articles nouveaux issus de la CIG de 2004 à l’intérieur de ces traités, rien que ces articles et tous ces articles. C’est donc la méthode Lamassoure. Dans certains cas, le texte de Merkel précise par un astérisque que c’est strictement le texte de 2004 qui doit être conservé (ce qui implique que, dans d’autres cas, il pourra y avoir de légères modifications). Enfin, pour les passages les plus difficiles, il propose la formulation exacte qui devra être retenue. Autrement dit, il restera une certaine marge de manœuvre pendant toute la CIG du second semestre 2007.

Ce mercredi soir, Dominique Voynet était invitée par le groupe Vert à expliquer les difficultés de sa campagne et celles des Verts français. Excellent exposé, mais je ne le suis que d’une oreille, en épluchant fiévreusement le projet Merkel. Par rapport aux objectifs que s’était fixés le groupe Vert, l’un est satisfait : la Charte des droits fondamentaux restera bel et bien dans le traité, ou plus exactement, elle est érigée à la valeur d’un traité. En revanche, grosse défaite sur les services publics : l’article 122 (celui qui dit que les Etats ont la responsabilité de « fournir et financer les services publics ») est le seul dont il est dit explicitement qu’il pourra être remis en cause ! En revanche, toutes les innovations démocratiques de la première partie sont conservées. Le statut de la 4e partie sur la révision n’est pas très clair. Et rien n’est dit sur l’extension de la règle de la majorité aux écotaxes. On voit donc sur quoi auront à se mobiliser les mouvements sociaux s’ils veulent peser sur l’avenir de l’Europe pendant la CIG (sous la présidence portugaise).

Je partage le reste de la semaine entre mon activité militante (vendredi conférence à l’Iforep, centre de formation du Comité d’établissement de l’EDF, sur la question du foulard et de la laïcité, samedi Cnir des Verts et participation expresse, à Nice, à la Fête du Château où je présente les problèmes écologiques de l’Amérique latine), et le suivi angoissé du sommet européen.

Bilan des courses : après le Conseil européen de Bruxelles(qui ne modifie guère le projet Merkel) et étude attentive des « Conclusions de la présidence », je crois pouvoir tirer un bilan provisoire, dont je fais un texte séparé, sur ce site.



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