Une semaine énergétique.
par Alain Lipietz

samedi 12 mai 2007

Il m’avait fallu la nuit et la matinée du lundi pour encaisser et coucher sur mon blog le choc de la veille. ¡Ay qué terribles cinco de la tarde ! Mais déjà il faut repartir pour le Parlement européen, à Bruxelles, où m’attend une semaine très « énergétique ».

Energie

Mardi en effet a lieu le « premier échange de vues » sur le rapport que je dois présenter devant la Commission du commerce international (INTA) sur « Commerce et changement climatique ». Comme la rédaction de ce rapport sera précédée d’une mini audition prévue en juin, j’y reviendrai plus tard, mais vous pouvez déjà lire sur mon site mon intervention de ce jour, qui vous donne une idée de ce que sera mon rapport.

Et, après diverses rencontres de routine, mercredi est le grand jour de la semaine : mon « initiative » sur le palmier à huile. L’idée en est venue à la croisée de deux problèmes, le débat sur les agro-carburants, et ma dernière visite en Colombie où les représentants de l’Église m’avaient expliqué comment l’immense zone du nord-ouest de la Colombie, désormais contrôlée par les para militaires, est replantée en palmier à huile sur les terres des paysans expulsés et, en particulier, des communautés afro-colombiennes. On m’avait expliqué qu’il s’agissait d’un plan pour l’industrie automobile nord-américaine. Je l’avais d’abord pris pour une blague, puis je me suis rendu compte que cet arbre, d’origine africaine, devenait un véritable chiendent socio-écologique planétaire, dont la mise en culture industrielle dévastait déjà l’Indonésie et la Malaisie. D’où ce séminaire sur les « Arbres du mal ».

Les interventions sont absolument captivantes, elle seront progressivement introduites dans cette rubrique, en compagnie de la synthèse de Natalie sur les cultures industrielles, et un résumé du tout sera publié fin mai dans un insert spécial de l’hebdomadaire Politis.

Pendant ce temps, d’autres Verts investis dans le « triangle énergétique », qui s’activent depuis plusieurs mois contre le renouvellement du traité Euratom, présentent l’étude commandée à Mycle Schneider sur les accidents nucléaires depuis Tchernobyl, Risques résiduels.

Jeudi, on vote ! Pas grand chose de bien important, si ce n’est le rapport sur le cinquantenaire d’Euratom, plutôt louangeur. Évidemment, les Verts votent contre, évidemment il est largement adopté par les partis productivistes. Toutefois, nous avons réussi à faire passer un amendement demandant la convocation d’une conférence intergouvernementale chargée de procéder à la révision complète de ce traité. Le déficit démocratique autour d’Euratom est d’ailleurs critiqué dans le rapport.

Parallèlement, par une procédure de « déclaration écrite » (c’est-à-dire où le vote est obtenu en rassemblant des signatures sur un registre), les Verts poussent le Parlement à adopter une position pour le bannissement des ampoules à incandescence dans l’Union européenne.

Jean-Luc

Bref, une semaine très énergétique et très écolo, où le groupe Vert s’est littéralement déchaîné, se heurtant à l’opposition générale de tous les partis productivistes, centristes compris bien entendu.

C’est pourtant le jeudi de cette semaine-là que je prends, comme un coup de massue me cueillant au saut du lit, la nouvelle du départ de Jean-Luc Bennhamias pour le Mouvement démocratique de François Bayrou.

Vous trouverez ici la ferme déclaration de 3 eurodéputés Verts français, consternés par cette décision.

En 1986, alors que j’étais un intellectuel indépendant, un peu connu par le livre Choisir l’audace, Jean-Luc était venu me trouver pour conduire la liste des Verts en Seine St Denis. Ils étaient alors 3 verts dans ce département, et il y avait, cette année-là, élections législatives à la proportionnelle départementale (que la gauche avait d’ailleurs perdues un peu comme cette fois, mais la proportionnelle avait limité les dégâts !) Puis, avec Jean-Luc, nous avions aidé Dominique Voynet à sortir les Verts du « ni droite ni gauche » où Antoine Waechter les avait longtemps maintenus. On connaît la suite : les Verts durablement ancrés dans l’orientation progressiste où René Dumont avait cherché à fonder l’écologie politique en France, se hissant progressivement jusque dans les institutions...

Depuis quelque temps, je sentais bien que Jean-Luc n’était plus l’homme que j’avais connu. Beaucoup utiliseront son départ contre les Verts. Beaucoup l’utiliseront contre l’idée que les Verts peuvent s’allier aussi bien avec la gauche qu’avec le centre pour faire avancer les politiques publiques. Mais je dois dire que ce qui me consterne le plus, c’est que Jean-Luc, qui a parfaitement le droit de changer d’avis politique, mais fut élu comme Vert par les citoyennes et citoyens du sud-est français, n’ait pas eu l’honnêteté de rendre son mandat à la Verte qui le suit sur la liste européenne, Nicole Guilhaudin.

« Il vient un moment dans la vie où ceux qui ont survécu commencent à se sentir comme des fantômes qui ont oublié de mourir au bon moment », a écrit un romancier. Vient-il un moment dans la vie d’un parti politique où ceux qui sont restés loyaux commencent à se sentir comme de pauvres pommes qui ont oublié de trahir au bon moment ?

Enfin, « bon moment », on verra....

Législatives

Jeudi soir, je rentre à Villejuif où sont réunis les Verts de la 11e circonscription du Val de Marne (Arcueil, Cachan, Villejuif, Gentilly-ouest) pour la mise au point de notre campagne législative : je suis candidat, et Hélène Peccolo est ma suppléante.

Déjà, la fée Perline a commencé à monter notre site de campagne.

Vendredi après-midi, débat très intéressant au Salon du livre de l’Amérique latine à propos des gauches latino-américaines. Je « représente » la livraison de Mouvements que j’ai coordonnée. On tombe assez vite d’accord pour relativiser l’opposition traditionnelle dans la presse française entre gauche radicale et gauche modérée. Intéressante discussion sur cette nouveauté, l’irruption d’une gauche indigène, souvent plus écologiste, et qui se heurte à la gauche « blanche » beaucoup plus productiviste.

Je bavarde avec des écrivains latino-américains. « Pourquoi comparez vous Sarkozy à Thatcher et Berlusconi ? c’est un mélange de Menem et Berlusconi ! ». C’est vrai que la comparaison avec Menem (ex-président péroniste de l’Argentine) est frappante. Démagogie populiste, plus vulgarité de la France show-biz et biz tout court : le dîner avec le patronat au Fouquet’s le soir de l’élection, le jet privé et la « retraite » sur un yacht de luxe prêtés par le patron de la françafrique…

Et samedi matin, nous distribuons notre premier tract de campagne sur le marché de Villejuif.

Certains sondages nous donnent 1%... d’autres, de 5 à 6% ! J’espère que cette fois personne ne viendra nous enquiquiner avec les histoires de « vote utile ». Que ceux qui ont prêché le « vote utile » et imposé, au détriment de Dominique Voynet et de l’écologie, la candidate du PS (plutôt que Bayrou) contre Sarkozy, méditent un peu le bilan coût-utilité de leur brillante tactique…

Eh oui, une nouvelle campagne commence. Il sera sans doute assez difficile, compte tenu de l’incohérence stratégique et tactique du parti socialiste, de parvenir à contrer, par une majorité parlementaire « à la Prodi », socialiste-écologiste-communiste-centriste, la victoire de Nicolas Sarkozy. Mais ce n’est pas impossible. Et au moins, on aura essayé…



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