Kosovo, Bio : deux rapports Verts
par Alain Lipietz

jeudi 29 mars 2007

Aujourd’hui, mini session à Bruxelles. Parmi les rapports adoptés, deux sont présentés par les Verts : celui sur le Kosovo, et celui sur l’agriculture bio. J’en profite pour rappeler qu’on peut trouver sur Internet tous les textes adoptés dans une session ainsi que les communiqués de presse des Verts sur les textes adoptés .

Kosovo

Le rapport de Joost Lagendijk (Vert néerlandais, président de la délégation pour la Turquie) sur le Kosovo prend très clairement parti pour la solution proposée par le médiateur finlandais de l’ONU : l’indépendance du Kosovo, sous protectorat transitoire onusien.

Cette solution paraissait inévitable, tant le souvenir de l’épuration ethnique a rendu invivable la cohabitation entre Serbes et Albanais dans cette ex-région autonome (dont déjà, en 1913, la section serbe de l’Internationale avait refusé son rattachement « impérialiste » à la Serbie). L’argument selon lequel il serait dangereux de créer un nouvel État indépendant ne respectant pas l’ancien découpage de la Yougoslavie socialiste en républiques fédérées ne tient pas : même si le Kosovo n’était qu’une région et non une république autonome, une telle référence, si ancienne, ne peut servir de base légale. Les Verts, pendant toute les guerres de Yougoslavie, avaient regretté son explosion, avec toujours un train de retard sur les différentes propositions d’indépendance ou de cantonisation. Finalement, l’atomisation a eu lieu, et l’expérience de la scission entre la Tchéquie et la Slovaquie, ultérieurement réunifiées à l’intérieur de l’Union européenne, nous montre que mieux vaut ne pas forcer les gens à la coexistence, et les attirer plus tard à l’unification.

À la grande satisfaction des Verts, le parlement à largement approuvé cette proposition. À noter que les communistes ont trouvé le moyen de déposer un amendement condamnant l’intervention militaire contre l’épuration ethnique. Il ne s’est même pas trouvé la moitié de leur groupe pour le voter, et encore, parmi ceux qui l’ont voté, y a-t-il eu sans doute des députés d’extrême droite pro-Milosevic.

Bio

Cette fois, c’était Marie-Hélène Aubert, députée française de la commission Agriculture, qui présentait un rapport à propos du nouveau projet de règlement du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques, présenté par la Commission.

Petit rappel : suite au rejet du TCE par la France et les Pays-bas, le Parlement européen a perdu tout le contrôle qu’il aurait pu avoir, à partir du 1er novembre 2006, sur la politique agricole commune (budget, droit de veto sur les autorisations d’OGM, réglementation de l’agriculture bio). Dans ce rapport, comme dans tous ceux qui concernent l’agriculture, le Parlement est donc simplement « consulté ». Mais c’est déjà ça, on va le voir. Astuce immédiatement proposée par Marie-Hélène : l’agriculture biologique, ça se vend et ça se mange, donc ça relève aussi des histoires de « marché intérieur et protection des consommateurs », régies par l’article 95 de la constitution de Maastricht-Nice. Or, au titre de cet article, le Parlement devrait être non pas en consultation mais en co-décision !

Le rapport de Marie-Hélène commence donc par faire adopter (à la quasi-unanimité du parlement) l’article 95 comme base juridique.

À partir de là, le rapport de Marie-Hélène, amendé en commission agricole, améliore déjà considérablement la réglementation proposée par la Commission quant aux exigences des produits de l’agriculture bio : pas de pesticides, ni d’engrais chimiques, et bien sûr pas d’OGM (voyez le rapport, c’est facile, colonne de gauche : la proposition de la commission, colonne de droite, en gras, les amendements du Parlement).

Reste à régler la question (qui relève d’une autre directive de protection des consommateurs, la fameuse directive régissant la séparation des filières et l’étiquetage des trois types d’agricultures, bio, classique et OGM) : que se passe-t-il quand un champ bio est accidentellement contaminé par la présence d’un champ d’OGM dans les alentours ? Selon la directive actuellement en vigueur, tout produit, bio ou non, contenant moins de 0,9% d’OGM, est considéré comme « non OGM » et ne dois pas être étiqueté comme OGM. Naturellement, le rapport et une multitude d’amendements demandent d’abaisser ce seuil qui, déjà à l’époque, aurait pu, techniquement, être fixé à 0,1% comme l’avaient alors demandé les Verts.

Telle était du moins la position que nous proposaient les grandes organisations de l’agriculture biologique. Mais, quelques jours avant le vote, certaines organisations ont proposé d’abaisser ce seuil uniquement pour l’agriculture biologique, abandonnant donc au seuil de 0,9% les produits de l’agriculture classique. Cette proposition a immédiatement été soutenue par un des trois groupes d’extrême droite, l’UEN, et par une partie des socialistes.

Les Verts se trouvèrent assez perplexes face à cette proposition. D’une part, notre position depuis le début, est que le seuil de 0,1% doit concerner l’ensemble de l’agriculture non OGM, et qu’en cas de contamination accidentelle le principe « pollueur-payeur » doit s’appliquer. Mais cette disposition sur la responsabilité environnementale n’a pas (encore ?) été adoptée pour les OGM. Dès lors, abaisser le seuil à 0,1% pour les seuls OGM risque d’introduire une profonde injustice entre paysans classiques et paysans bio voyant leurs champs contaminés par un troisième producteur, lui en OGM. Si la contamination est entre 0,1 et 0,9%, le producteur classique pourra tranquillement vendre sa production sans l’étiqueter comme OGM, tandis que le producteur bio verra sa récolte fichue, ou en tout cas perdra sa qualification de bio. Ce sera donc la victime qui sera punie !

Face à ce dilemme, j’avoue que je me suis abstenu sur tous les amendements proposant ce qui m’apparaissait comme une injustice (mais qui sont passé)s. Et, bien entendu, tous les amendements Verts ont affirmé la poursuite du combat pour l’abaissement du seuil à 0,1% pour toute l’agriculture non-OGM.

Le rapport ainsi amendé se trouve donc excellent (voir le communiqué des Verts), à ce petit problème près : sans aucune valeur contraignante, tant que la Commission ne reconnaît pas la pertinence de l’article 95 !

Au moment du vote final, Marie-Hélène se lève donc et propose, malgré l’excellente qualité de son propre rapport, de le renvoyer pour nouvel examen en commission Agriculture ! Astuce tactique qui permet de ne pas rendre l’avis du Parlement. Or, comme celui-ci doit être obligatoirement consulté, les gouvernements (réunis en Conseil des ministres) ne peuvent pas non plus adopter la proposition de la Commission. S’ouvre une partie de bras de fer , dont nous verrons la suite plus tard

Avant le vote sur la bio, les Verts ont organisé une petite manifestation dans le « lobby » principal conduisant à l’hémicycle. Avec tout le matériel de la campagne contre la malbouffe, nous avons distribué des pommes bios (sud-tyroliennes) à nos collègues, à leurs assistants, aux fonctionnaires et à la presse…

Apothéose de Marie-Hélène Aubert
Taste-pommes avec Pierre Jonkheer


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