Sale semaine. Agro-énergie. Présidentielle.
par Alain Lipietz

samedi 13 janvier 2007

Semaine de rentrée à Bruxelles, qui aurait dû être calme. Malheureusement je dois travailler d’arrache-pied (trois nuits jusqu’à 5 h du matin), sur la dernière réponse de notre avocat Rémi Rouquette au second mémoire de la SNCF (comme je l’avais fait pour [la réponse au premier mémoire). L’audience du procès en appel devant la Cour d’appel administrative de Bordeaux est le 30 janvier prochain.

Et mercredi tombe la triste nouvelle : le cancer de Francine a redémarré…

Dans les interstices, je dois préparer mon futur rapport sur les marchés publics, recevoir l’ambassadeur du Pérou qui nous quitte, envoyer des lettres au président Uribe (colombien) et au nouveau président Correa (équatorien) à propos des tensions entre les deux pays, dues aux fumigations de glyphosphate auxquelles procède la Colombie, au plus près de la frontière équatorienne, etc.

La première réunion du groupe Vert est morose : parallèlement au regroupement de la droite de la droite (l’UEN), l’extrême droite arrive enfin à se réunir dans un groupe politique, présidé par Gollnisch du FN, avec des Belges flamands, des Roumains, des membres de la Ligue des familles polonaises etc. En un sens, ça clarifie les choses.

Agrocarburants

A part ça, court sur les listes de débat des Verts français l’appel d’une série d’organisations latino-américaines contre le développement des cultures agro-énergétiques en Amérique latine, en vue d’exportation vers les États Unis ou l’Europe. On me demande ce que font les députés européens Verts. Voici la réponse que j’envoie sur quelques listes.

« Je suis bien content que les Verts français, grâce à Victoria et au responsable de la Commission agriculture, se préoccupent enfin d’un sujet sur lequel j’ai cherché à attirer leur l’attention dès 1985, par mon livre Miracles et mirages dans lequel je dénonçais déjà l’utilisation de la canne à sucre du Nordeste brésilien pour faire rouler les voitures des riches brésiliens de Sao Paulo, ainsi que l’utilisation abusive et destructrice des terres pour la culture du soja, alors utilisé comme aliment du bétail européen. Le slogan de l’époque était : "Les vaches des riches mangent le grain des pauvres". Et on peut ajouter aujourd’hui : "Les vaches des riches mangent l’anchois des pauvres".

Depuis tout ce temps, j’ai régulièrement entretenu les Verts français de mon action, notamment en tant que président de la délégation du PE pour la Communauté andine, dans ce domaine de la compétition pour l’usage des terres, par l’intermédiaire du blog que je diffuse largement sur les listes Vertes (un des sommets du "triangle des risques énergétiques"), et notamment, les 6 et 8 octobre derniers. Dans ces billets de blog, il y avait comme toujours des liens vers d’autres articles récents tels que : L’Amérique du Sud au carrefour, ou L’Europe et l’Amérique latine face aux défis de l’environnement, ou L’échec de Lisbonne, etc. J’y critiquais le « deal » sur l’agro-industrie que Lamy et Mandelson tentent d’imposer à l’Amérique latine. Il suffit à ceux que ça intéresse de taper par exemple "soja" ou "biocarburant" sur le google interne du site.

Dans la campagne qui se dessine aujourd’hui, il y a toutefois un problème : pourquoi attaque-t-on le soja en tant que culture pour "biocarburant" alors qu’on a laissé faire depuis quarante ans du soja comme culture pour bétail ? Il est vrai que le soja contient beaucoup d’huile (d’où on tire le diester), et que le soja supplémentaire actuellement planté en Amérique latine est essentiellement destiné à l’agro-énergie, la production de tourteaux (la pâte protéagineuse obtenue après pressage et destinée au bétail) étant largement suffisante.

En bref, une campagne contre les excès de l’agro-industrie doit respecter plusieurs impératifs :

* Ne pas apparaître comme une campagne contre les énergies renouvelables, notamment celles fondées sur la photosynthèse, ce qui serait le cas si, dans la polémique contre le soja, on oubliait de rappeler que la meilleure façon, pour un-e Européen-ne, de dissuader la culture du soja d’exportation, était de cesser de manger de la viande de boeuf.

* Ne pas se focaliser sur le seul soja. Le sucre est depuis longtemps une source beaucoup plus importante d’agro-carburant (le bio-éthanol). Surtout, la plante agro-énergétique qui "monte" est le palmier à huile, qui se substitue partout dans le Sud aux autres cultures. Notamment, les 4 millions d’hectares volés par les paramilitaires (les AUC) aux paysans colombiens sont principalement convertis en palmier à huile, à destination du marché énergétique US.

C’est pourquoi le groupe Vert au Parlement européen soutient à la fois des objectifs contraignants dans le développement des énergies renouvelables (dont la biomasse), et se bat pour que, dans la lutte contre l’effet de serre, le développement de l’énergie biomasse ne se fasse ni au détriment de la biodiversité, ni surtout au détriment des cultures vivrières.

Dans cette campagne énergie, depuis déjà plusieurs années, le Groupe Vert a pris plusieurs initiatives, et d’autres sont "sous presse". La campagne contre les agro-carburants sera un nouveau chapitre de la Food Campaign - dont vous avez déjà apprécié les cartes postales - et de nouvelles cartes seront très prochainement disponibles.

Par ailleurs, lors du Forum Social Mondial de Porto Alegre en 2005, le groupe Vert a organisé un atelier sur le sucre, en liaison avec les organisations d’ouvriers agricoles et la Pastorale de la Terre brésilienne, et a manifesté sur ce thème (voyez la photo !).

Et le groupe Vert au PE va en effet rencontrer très bientôt les ONG sud-américaines sur ce dossier.

Les eurodéputés verts interviennent aussi régulièrement dans les conférences de l’OMC pour tenter d’empêcher les achats massifs de sucre et d’éthanol brésilien, justement dénoncés par la campagne actuelle comme étant produits dans des conditions écologiquement mais surtout socialement insoutenables.

Les Verts au Parlement européen se sont indignés des choix européens récents, notamment dans ce communiqué du 14 décembre dernier.

Tout comme ils interviennent, et ce blog vous en avait alerté, sur les conditions socialement insoutenables dans lesquelles sont produits, beaucoup plus près de chez nous, en Espagne et en Italie, les tomates, courgettes, aubergines, concombres et agrumes que nous trouvons en toute saison dans nos supermarchés, alerte à ce jour pas encore entendue par les Verts français... »

Présidentielle

Je rentre précipitamment à Villejuif auprès de Francine qui réagit avec le courage qu’on lui connaît, non sans avoir expédié le fruit de mes cogitations nocturnes sur le mémoire de la Sncf.

Là je lis, dans Politis, les nouvelles manœuvres pour relancer une candidature Bové. Je ne comprends plus. Les leaders du « Non de gauche » ont déjà rallié les différentes options possibles. Chevènement, Fabius, Emmanuelli, Montebourg (pour Mélanchon, j’ai pas suivi) : Ségolène dès le premier tour. Buffet (majoritaire dans les « comités pour le Non ») : campagne autonome, pro-nucléaire et anti-européenne au premier tour, ralliement au second tour à Ségolène. Arlette et O. Besancenot : autonomes au premier tour, et pas de choix entre Ségolène et Sarkozy, pas de proposition pour sortir de Maastricht–Nice.

Et alors, où veulent-ils caser ce pauvre José ? Autonome au premier tour et ralliement au second tour contre Sarkozy, mais sans participation gouvernementale ? Et quid sur les grands problèmes politiques qui ont divisé les Comités du Non (productivisme, sortie de Maastricht-Nice, etc. ) ?

De l’autre côté, un quarteron de Verts s’obstine à pousser au retrait de Voynet en faveur de Hulot. Là, pas de surprise, ce sont les mêmes qui se répandaient dans les medias pour me faire abandonner la candidature en 2001 sous prétexte qu’en septembre je n’avais pas encore les 500 signatures et plafonnais à 3%.

Sur Hulot, j’ai déjà dit ce que je pensais : il est très bien dans son rôle actuel, qu’il n’en bouge pas , ou alors il lui faudra expliquer sa position sur les grands problèmes écologiques et sociaux qu’il n’a jamais abordés.

Moi, j’ai une candidate, autonome au premier tour, prête à négocier au second tour avec Ségolène un front pour battre Sarko et mener des politiques publiques écologistes et sociales, qui a voté Non à Maastricht, s’est opposée à Amsterdam et à Nice, et donc a voté Oui au TCE pour changer l’Europe.

Elle s’appelle Dominique Voynet.



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