Poster un message
En réponse à :Vacances, et retour des débats merdiques.
samedi 4 août 2012
Plus d’un mois sans blog, à part le billet sur l’affaire de Gennevilliers… Je ne suis pas seulement bouffé par Facebook, plus réactif, mais pas archivable (vous pouvez lire et intervenir, sans même vous inscrire comme « amis », sur mon « mur » ou sur ma « page », attention à la place des .). (…)
En réponse à :
Vacances, et retour des débats merdiques.
Mes parents étaient ouvriers, nous vivions à Gennevilliers, et c’est à que j’ai découvert le théâtre, au Centre Dramatique National, dirigé par Bernard Sobel. Rien ne me prédisposait à connaître et à aimer le théâtre, complexe de classe sans doute. J’ai tout de suite aimé. J’ai aimé l’exigence qu’on attendait de moi, la patience, l’écoute, la curiosité. J’ai aimé ce respect. Et je l’ai retrouvé dans cette mise en scène qui s’adressait à ce que j’ai de plus profond et de plus exigeant en moi. Bien qu’au fond du gradin, j ‘ai été bouleversée, j’ai pleuré devant tant de beauté, devant l’engagement des acteurs, l’émotion qui émanait d’eux. Et pour une fois à la Cour j’ai eu l’impression de TOUT entendre. Pas de lecture « réductrice » ou bêtement illustrative, pas la redite d’une énième « Mouette », quelque chose de nouveau, de troublant. La beauté et le mystère nous sont nécessaires. Et il m’a semblé que c’était le sujet de ce spectacle. La spiritualité déserte le monde, et dès que ça ne ressemble pas à de la télé ou du théâtre de boulevard, on hurle à l’élitisme, c’est insupportable. Vive l’intelligence et l’audace.
Quant à la presse soi disant unanimement contre, voici deux exemples parmi d’autres, dans le Monde et l’Humanité ( mais aussi de’excellentes critiques dans Liberation, la Croix, Marianne ...) :
La présentation de la Mouette par Arthur Nauzyciel, dans la cour d’Honneur du palais des Papes, constitue un acte poétique majeur (1). Ce metteur en scène, à qui l’on dut, l’été dernier, le mémorable Jan Karski (mon nom est une fiction), s’avance résolument loin des sentiers battus de l’esthétique – plus ou moins naturaliste – selon les canons hérités du lourd passé scénique de l’œuvre, sur laquelle on n’ignore pas que Stanislavski, lors de sa création en 1898 au Théâtre d’art de Moscou, prit d’emblée une durable hypothèque. La liberté d’action que s’octroie Nauzyciel n’implique aucunement quelque négation historique que ce soit. Au contraire. Tout, dans sa réalisation, relève d’une harmonieuse tentative de remémoration secrète d’un temps disparu, celui dans lequel vécurent ces êtres devant nous ressuscités que nous nommons les personnages. Ne nous sont-ils pas familiers ? Ne participent-ils pas d’un chef-d’œuvre abondamment répertorié ? Tant d’images déjà leur collent à la peau. Les voici comme rendus neufs, dressés dans l’espace minéral, monstre hanté par les centaines de voix qui s’y sont tues.
Jean Pierre Leonardini, L’Humanité.
« Peu à peu, le mistral s’est levé, glaçant les spectateurs qui s’enfouissaient sous les couvertures distribuées à l’entrée de la Cour d’honneur du Palais des papes. Mais, ce soir-là, vendredi 20 juillet, l’ennemi du théâtre est devenu son allié : le vent s’accordait à La Mouette, de Tchekhov (1860-1904), telle qu’Arthur Nauzyciel l’a mise en scène et qu’elle fut jouée, en ce soir de première où les désertions furent rares et où l’on sentait, en quittant le Palais, quatre heures après y être entré, un étrange silence dans les rues d’Avignon. C’était un silence intérieur, l’écho du sentiment poignant dans lequel le spectacle avait plongé chacun, et dont il faudra du temps pour démêler les fils. Ainsi vont les représentations qui travaillent en profondeur, sans que l’on sache exactement pourquoi ni comment sur le moment. »
Brigitte Salino, Le Monde.