Vert contact, n°675
Social : le prix de l’hypocrisie

avril 2003 par Alain Lipietz

L’hypocrisie, dit-on, est l’hommage du vice à la vertu. Ce qui n’est déjà pas si mal. Le problème, c’est qu’on finit par s’apercevoir que derrière l’hommage, il y a le vice.

Jacques Chirac est le Maître de l’hypocrisie : en la matière, tous les écologistes le savent. Mais l’environnement, ça met du temps à se dégrader, le social ça vient plus vite. Moins d’un an après la défaite de l’ex-majorité plurielle, qui avait su créer plus de 2 millions d’emplois, une cascade de plans de licenciements nous ramène aux sombres jours d’avant 1997.

Oh bien sûr ! Il y a l’éclatement de la bulle de la nouvelle économie, la crise en Irak, la mauvaise santé allemande. Mais quand Jacques Chirac s’indigne vertueusement que "trop de salariés perdent leur emploi sans même bénéficier d’un plan social", "qu’il faut donner à tous les Français de meilleurs atouts pour l’emploi" (13 février), on se pose quelques questions :

 Qui a suspendu la loi de modernisation sociale, laquelle mettait quelques barrières aux licenciements... dont le plan social ?

 Qui a supprimé de fait les 35 heures, en portant à 180 heures le contingent d’heures supplémentaires, en dispensant les entreprises de réduire le temps de travail et d’embaucher tout en bénéficiant quand même d’abattements de cotisations sociales ?

 Qui a mis un terme au programme d’emploi jeunes ?

 Qui a donc complètement démantelé le dispositif anti-chômage de la majorité plurielle

Raffarin, Premier ministre et lieutenant de Jacques Chirac.

Bien sûr, tous ces politiques publiques n’auraient pu empêcher la faillite de "capitalistes voyous" comme Metaleurop ou le crash d’entreprises mal conçues comme Air Lib. Mais la compassion proclamée à tout bout de champ ne peut masquer bien longtemps l’absence totale de toute politique sociale. Les accidents de ce genre, qui se résorbaient dans une ambiance générale d’embauches, sont aujourd’hui devenus la norme. Une norme politiquement construite pour faire plaisir au Grand électeur de la majorité plurielle : le Medef.

L’heure est à la résistance. Elle ne prendra toute sa vigueur qu’en reconstruisant l’espoir. Ce qui passe par un examen des manques, mais aussi des réussites, de la défunte majorité plurielle.



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