À propos de "Penser l’écologie dans la tradition catholique"
Lyon, 22 mars 2019

4 août 2019 par Alain Lipietz

À l’occasion du débat organisé à l’institut Catholique de Lyon sur ce livre (sous la direction de Fabien Revol, ed. Labor et Fides, Genève, 2019), voici mon intervention (video) : importance de la redécouverte d’une tradition remontant à Irénée, mais trois limites à travailler.

Dans une précédente analyse, en écologiste agnostique ou athée, de l’encyclique papale Laudato Si, je me réjouissais globalement de sa qualité, tout en critiquant la page consacrée à la condamnation de l’avortement. J’y voyais une rupture par rapport au contenu multiséculaire du catholicisme, sur deux points qui le condamnaient au « mépris du Monde » : la théorie du péché originel et, symétriquement, l’Incarnation comme Rédemption d’un Monde dont Satan est le prince.

Les travaux coordonnés par F. Revol montrent qu’il existe bien une autre lecture de la Création, très ancienne (Irénée de Lyon, Maxime le Confesseur, François d’Assise, John Duns Scot, Teilhard de Chardin…) où inscrire Laudato Si : une vision qui célèbre la beauté du Monde et dans laquelle le Christ s’incarne non pour le « racheter » de son péché mais pour en recueillir la splendeur. (Je compare cette filiation à ma lecture de Mallarmé dans mon livre Ressusciter quand même).

L’ouvrage reconnaît cependant que cette tradition fut minoritaire et occultée au profit de la vision classique, représentée très tôt par saint Augustin (dualisme et monde racheté), qui s’enracine dans la gnose et le christianisme du 1er siècle, et aboutit aux thèses comme celles du Père Malebranche (les animaux-machines) justifiant la réputation anti-écologiste du catholicisme.

Je vois cependant trois limites au livre appelant des travaux ultérieurs.

  Ce livre devrait plutôt s’appeler Penser la Nature dans la tradition catholique. Les deux autres pôles de l’écologie politique (les individus et l’organisation sociale, dans leurs rapports triangulaires avec l’environnement) en sont absents.
  Ce qu’on perd à oublier Augustin et la Gnose : l’existence du Mal. Il existe et les écologistes le rencontrent tous les jours.
  On ne peut se contenter de reconnaitre que les animaux ne sont pas des machines sans admettre que les femmes et les hommes ne le sont pas non-plus et que donc la sexualité n’est pas qu’un mécanisme de reproduction. Le désir, les plaisirs de la chair sont eux aussi à glorifier.

Voir ici la video de mon intervention.



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