La petite chatte est morte

13 décembre 2018 par Alain Lipietz

Nous venons de mettre en terre notre petite chatte Miah. Elle est morte de vieillesse. Le véto nous avait même donné quelques gouttes de morphine à lui administrer. Pas la peine.

Elle avait l’habitude de s’installer sur mes genoux pour regarder la télé. Avant-hier elle s’est blottie contre ma cuisse, la tête enfouie sous ma fesse, et hier elle n’en a même pas eu la force, elle a coincé sa tête sous un coussin et a commencé à se refroidir. Je l’ai couverte de mon pull après avoir humecté sa bouche.

Je suis de plus en plus perplexe devant ce contrat d’affection entre espèces différentes. Miah était assez nunuche, alors que les autres chattes avec qui j’ai vécu étaient très intelligentes, me dressant à comprendre des messages de plus en plus complexes. Elle, non. Elle ne savait que miauler, hurler même pour exiger des caresses, quand je travaillais, quand je faisais la vaisselle, quand j’avais les mains prises...

J’avais beau lui expliquer que ce n’est pas comme ça qu’une femelle obtient ce qu’elle désire, rien n’y faisait. Tout juste avait-elle compris que j’avais horreur de me baisser et grimpait-elle sur une banquette pour être à hauteur de ma main, ce qui était quand même une forme de langage un peu plus élaborée que ces hurlements.

Mais elle compensait l’exaspérant de sa demande de tendresse en gardant jusqu’au bout une tête de petit chat, attendrissante. J’avais fini par renoncer à lui expliquer qu’elle s’y prenait mal, j’avais accepté d’être-là-pour-la-carresser, comme un devoir d’état.

Et c’est ça que j’ai du mal à comprendre. Je lis des livres, des articles sur l’intelligence animale, la « théorie de l’esprit » et maintenant sur l’intelligence des plantes et la sensibilité végétale. Toujours rien sur l’affection (sauf sur l’apprentissage de la tendresse maternelle chez les singes…) en particulier entre espèces différentes.

Qu’est-ce que les chattes attendent de nous ? Pourquoi devons-nous accepter avec patience leurs exigences ? Pourquoi les veiller dans leur agonie ? Comme une métaphore de notre être-pour-la-mort ? que ce qui restera de nous ce n’est pas nos livres, notre temps de militantisme pour la Planète, mais la tendresse concrète envers nos proches, fût-ce une boule de poils qui tend sa tête pour des caresses ?

La belle photo ci-dessus (cliquez dessus) a été prise par Natalie à quelques semaines de la mort de Miah. Miah profitait des derniers soleils d’automne tout en gardant les pattes sur le tapis.



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