Le coup de gueule de l’écologiste Alain Lipietz
La Maison du Cancer

24 janvier 2013 par Alain Lipietz

Lutter contre le cancer, c’est bien. L’éviter, c’est mieux. L’ancien député Alain Lipietz s’est insurgé récemment via une tribune dans Libération. L’objet de sa dénonciation ? La non-prise en compte des risques environnementaux dans les recherches sur le cancer. Nous avons voulu en savoir plus. Entretien.

Le coup de gueule de l’écologiste Alain Lipietz

LMC : pourquoi, en 2012, n’avez-vous pas fait de dons, ainsi que vous l’avez déclaré, à certaines associations de lutte contre le cancer ?

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 Les associations visées par ma critique sont celles qui ont failli à leur devoir de faire de la recherche de façon indépendante, indépendante des firmes pharmaceutiques et de l’État. En tant que donateur, je reçois leurs bulletins où sont précisées quelles sont les études scientifiques aidées par ces associations et donc par nos dons. Et la part du financement des recherches sur l’influence de l’environnement quant au développement de cancers y est très peu importante. Trouver comment soigner le cancer, c’est très bien. Mais ce qui m’intéresse et intéresse beaucoup d’autres personnes est surtout de savoir comment l’éviter. Or, à mon sens, la différence entre les maladies infectieuses et les maladies chroniques de type cancer est que celles-ci sont dues aux entreprises qui dégradent l’environnement. Ce que je dénonce, donc, c’est l’ensemble des risques de développer malgré soi un cancer à cause de l’environnement (nourriture, qualité de l’air...). Il existe en revanche des associations qui font leur travail, comme l’ARTAC (Association pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse), présidée par le professeur Belpomme, et que je continue de soutenir par mes dons.

LMC : pourquoi cela vous choque-t-il ?

 L’ARTAC estime que 75 % des cancers sont dus à des causes environnementales. Au contraire, l’Académie des sciences, que, personnellement, je crois liée à certains lobbies, affirme que ce pourcentage ne serait compris qu’entre 2 et 10 %. Cela varie du tout au tout et fait une différence éthique et politique fondamentale ! L’une ou l’autre de ces institutions est criminelle d’affirmer un tel pourcentage s’il se révèle faux !

Alors qu’on est capable de dépenser des milliards d’euros pour savoir si le boson de Higgs existe – et c’est important – on est incapable de financer rapidement une étude pour determiner, meme en très gros, quel est le pourcentage de cancers liés aux causes environnementales !

LMC : pourquoi une telle incapacité ?

Ce n’est pas l’industrie pharmaceutique qui le fera, car celle-ci concentre ses efforts sur la recherche de soins et ne fait pas du tout de prévention. C’est normal, c’est son rôle. Ce n’est pas non plus l’Etat qui le fera : il a certes intérêt à voir diminuer l’incidence du cancer, mais n’a en revanche pas du tout intérêt à combattre les grosses industries polluantes que sont l’industrie automobile, l’industrie pétro-chimique et toutes celles responsables de la dégradation cancérigène de l’environnement. Alors, si ce n’est pas aux associations que revient ce travail, à qui ?

LMC : Justement, que faire selon vous ?

Je vais continuer à recevoir les bulletins des associations et des instituts de recherche (Institut Gustave Roussy, l’ARC, etc...) et regarder quelle part de leur financement est dédiée à la recherche des causes environnementales. Si je vois une amélioration dans le courant de l’année, je reprendrais mes dons, Sinon, je me focaliserais sur des associations qui s’intéressent réellement à la prévention des cancers environnementaux, comme ARTAC.

Propos recueillis par Cécile Pinault



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