Vert-Europe N° 2
Trois questions sur le tiers secteur

1er mars 1999

- Pouvez-vous définir le tiers-secteur, son rôle et son originalité ?

Ça part d’une idée simple : il y a des millions de gens au chômage, ce qui coûte des centaines de millions à l’État, en pensions, RMI, en manque à gagner de cotisations et d’impôts.

Et puis, en face, il y a d’immenses besoins insatisfaits, dans le domaine de l’environnement, des services aux personnes, etc. On se dit : " Des entreprises, des associations, des coopératives qui embaucheraient ces chômeurs, et qui seraient dispensées de cotisations sociales, et subventionnées, ne coûteraient rien de plus à la société. Mais comme elles pourraient offrir des services à très bas " Mais, du coup, les artisans et les grandes entreprises privées spécialistes des services publics (Vivendi ?) commencent à râler : " Mais ils vont piquer nos emplois ! " Donc il faut définir quelle doit être la vocation particulière de ce Tiers Secteur, pour mériter ces particularités fiscales. Je réponds : toutes les activités que l’on peut facturer à l’usager, mais qui créent autour d’elles comme un halo de liens sociaux, pas seulement en " insérant " leurs travailleurs, pas seulement en offrant des services aux plus démunis, mais en ramenant un peu de convivialité dans les quartiers, un sentiment de sécurité, en rompant l’isolement.

- N’y a-t-il pas risque de créer des " sous-emplois " un peu artificiels, mal payés et inintéressants ?

Inintéressants, certainement pas ! Beaucoup moins que travailleur à la chaîne ou employé de bureau. Le travail dans une régie de quartier, l’aide aux personnes dépendantes, la " pacification " d’un autobus de banlieue, sont des tâches passionnantes, qui demandent un savoir-faire à accumuler collectivement, et doivent rémunérées normalement. Le vrai problème, c’est d’éviter d’en faire des petits boulots, mal payés, mal considérés, sans protection sociale ni statut ni formation. C’est çà la vraie bataille.

- L’Europe est-elle un frein ou un accélérateur au développement du tiers-secteur ?

À première vue, pas grand chose. Le Tiers Secteur, peut le développer ici et maintenant, en aménageant la loi française pour qu’éclosent les initiatives venues d’en bas. L’Europe ? D’abord elle nous montre l’exemple. Rappelons que le premier texte voté en faveur de ce tiers secteur d’économie solidaire le fut en 1994 par le Parlement Européen, à l’initiative de notre députée Aline Archimbault. Et l’Italie du Nord, avec ses " coopératives sociales " , a des années d’avance sur nous. Mais ces initiatives innovantes ne se connaissent pas d’un pays à l’autre. L’entreprise classique chercher à imposer partout son modèle de concurrence " pure et parfaite " . Les Verts Européens doivent s’assigner pour objectif de rassembler tout ce mouvement de l’économie solidaire en véritable modèle alternatif de service au public, à l’échelle européenne.



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