L’heure de l’écologie politique

20 septembre 2008 par Alain Lipietz

Pourquoi faut-il une écologie politique, quand tous les politiciens s’intéressent à l’écologie ? Parce que justement, les autres ne font que « s’y intéresser ». Il est certain que chacune des motions qui déchirent le PS aura une phrase sur l’écologie. De même le manifeste du Nouveau Parti Anticapitaliste. Mais entendons-nous l’écologie occuper une place quelconque dans les débats de la gauche ou de l’extrême gauche traditionnelle ?

Quant au président élu en 2007 (particulièrement mal noté pour ses réponses au questionnaire pré-électoral des associations écologistes), il lança aussitôt élu, un Grenelle de l’environnement. En même temps (été 2007), il offrait un cadeau fiscal de 15 milliards par an aux classes les plus aisées et aux employeurs, sans aucune contrepartie relative à l’écologie. Résultat : son ministre d’État à l’écologie et sa ministre du Développement durable, désespérés de trouver le financement de ce Grenelle, tempêtent contre la majorité parlementaire élue dans la foulée, pour sa lâcheté vis à vis des lobbies anti-écologistes.

On pourrait dire de l’écologie ce que dit Rousseau disait du Bien : « La raison pour le connaître, la conscience pour l’aimer, et la liberté pour le choisir ». La raison ? elle semble aujourd’hui percer : le prix Nobel est attribué au président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Et que nous dit celui-ci ? Que nous avons jusqu’à 2015 pour agir si nous voulons éviter un changement dramatique de l’écosystème planétaire.

Logiquement, l’amour d’un tel Bien commun, et la liberté dont disposent les gouvernants devrait donc dès cette année mobiliser massivement nos économies pour éviter la catastrophe. Aujourd’hui, nos rues devraient être sillonnées de chantiers pour les transports en commun. Tous les offices de logements sociaux, toutes les assemblées de copropriétaires devraient se battre pour trouver des artisans aptes à isoler les logements, installer des pompes à chaleur et des capteurs solaires, et une bonne partie de la recherche devrait être réorientée vers la capture du CO2, y compris pour le recycler en énergie ! On annonce au contraire une crise de la construction, les PME du bâtiment et des travaux publics font faillite en masse, les caténaires du Réseau Ferré de France craquent et on ne trouve pas d’argent. « C’est quand même extraordinaire » !

Alors, imaginons qu’en 2007 la candidate Verte ait été élue avec une majorité Verte à l’Assemblée nationale.L’écologie politique, qui non seulement connaît et aime le Bien commun, mais encore aurait la liberté de le choisir, aurait déjà lancé cette myriade de grands et de petits travaux, lui attribuant les 15 milliards annuels que Monsieur Sarkozy avait jugés disponibles en 2007. Il est probable que l’explosion d’activité qui en aurait résulté aurait fait reculer le chômage, suscitant de nouvelles économies budgétaires. D’autres économies étaient (et restent !) à portée de la main : supprimer les subventions aux soi-disant biocarburants dont le rendement en CO2 économisé est dérisoire, mais dont le coût en pollutions locales (consommation d’eau, pesticides, engrais) s’annonce dramatique.

Bref, les experts savent que faire, l’opinion publique le souhaite, il ne manque plus que la volonté. C’est précisément ce qui distingue l’écologie politique. Soyons clairs, la révolution écologique sera pacifique et ne prévoit pas la Prise de l’Elysée par ses milices armées. C’est dès cette mandature-ci qu’il faut agir. Souhaitons qu’une victoire spectaculaire du Rassemblement des écologistes aux prochaines élections européennes secoue les régions françaises (pour la plupart sous administration de gauche avec quelques vice-présidences Vertes) et convainque enfin le pouvoir actuel d’inverser ses choix de 2007 : les 15 milliards par an doivent retourner au financement du Grenelle.

Photo Athanasius, sous licence CC.



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