Suppressions d’emplois chez Alstom

17 avril 2005 par Alain Lipietz

Monsieur le Président, monsieur le Commissaire,

Il y a quelques mois, la Commission autorisait le gouvernement français à renflouer Alstom. Aujourd’hui Alstom licencie 350 personnes dans son centre de recherche de Velizy et en Allemagne, spécialisés dans la recherche sur les énergies propres et la dépollution des centrales thermiques au charbon. Il s’agit donc de laboratoires essentiels à la stratégie européenne pour Kyoto.

Nous sommes donc devant un cas d’école en matière d’aide publique à une entreprise privée. Alstom n’est pas un service public. Ce n’est pas une SIEG régie par l’article 86 du Traité (devenu article 166 de la Constitution). Il s’agit d’un cas régi par l’article sur les aides d’État (article 87 du Traité, devenu article 167 de la Constitution).

En soi, les aides publiques à des entreprises privées qui ne sont pas des services publics sont déjà problématiques. Ne s’agit-il pas de « socialiser les pertes et privatiser les profits » ? L’article 87 permet effectivement de telles aides d’État sur une longue liste de cas particuliers, et je suppose que votre Commission a justifié l’aide à Alstom au nom de : « Article 87-3-c : les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques. »

Et en effet, il était tout à fait légitime de renflouer Alstom afin de ne pas perdre des emplois hautement qualifiés, correspondant tout à fait à l’un des objectifs les plus importants de l’Union européenne : la lutte contre le changement climatique. Ces travailleurs, très qualifiés, proposent d’ailleurs de reprendre ce projet industriel à leur compte.

Alors, Monsieur le Commissaire chargé de la politique industrielle, c’est maintenant qu’il faut répondre sur ce cas particulièrement flagrant. Les aides d’un État à l’une de ses entreprises servent-elles à renflouer ses actionnaires, ou servent-elles à aider l’Europe à maintenir et développer une industrie lui permettant d’atteindre les objectifs qu’elle s’est fixé ?

Si on laisse aujourd’hui une entreprise renflouée abandonner des activités qu’elle juge non rentables, et qui pourtant participent à la justification du soutien public à son activité, alors, c’est bien une aide aux actionnaires qui a été accordée, et l’Union doit donner l’ordre à Alstom de rembourser cette aide à l’Etat français. Dans le cas contraire, la Commission doit prendre toutes les mesures possibles pour interdire à Alstom d’abandonner son centre de Velizy.



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