Réponse au questionnaire de la revue Colisee

9 juin 2004 par Alain Lipietz

Nous , Parti vert européen et parti Les Verts français , avons salué en leur temps les travaux de la Convention présidée par V. Giscard d’Estaing et à laquelle participaient nos représentants.

La première partie, qui est son oeuvre, est une contribution majeure au déblocage de l’Union. Son préambule, ses premiers articles, réorientent la construction européenne dans un sens social, démocratique, féministe et écologiste qui nous convient tout à fait. La procédure d’initiative législative citoyenne (dite du « million de signatures ») est une innovation majeure, propre à faire progresser la conscience et la démocratie européennes.

Il est par ailleurs judicieux d’avoir intégré la Charte de Droits fondamentaux dans la constitution sous forme de seconde partie.

Nous avons cependant unanimement regretté l’adjonction par le Conseil de Salonique des "reliefs des traités" actuels sous forme de troisième partie de la Constitution. M. Giscard d’Estaing lui même ne reconnaît pas dans cette troisième partie l’oeuvre de la Convention.

Nous n’ignorons pas cependant les contributions de la Convention même dans cette troisième partie : le basculement des chapitres relatifs à la Justice et aux Affaires intérieures du régime de l’unanimité du Conseil à celui de la codécision et de la majorité qualifiée, les 6 premiers articles en particulier le III-6 relatif aux services d’intérêt général.

Toutefois, la totalité de la troisième partie nous paraît être d’ordre législatif et non constitutionnel. Nous proposons que cette troisième partie soit mise en Annexe et amendable par une procédure majoritaire, ce qui pourrait être fait par un amendement d’une ligne à la 4è partie.

Cette demande (la possibilité d’amender la troisième partie autrement qu’à la majorité) est d’ailleurs conforme à l’avis du Parlement européen à la veille de la Conférence InterGouvernementale de décembre dernier.

2) Quels sont les points que vous souhaiteriez voir modifiés ?

Essentiellement :

le mandat et la procédure de contrôle de la Banque centrale européenne (intégration de l’objectif de développement soutenable visant au plein emploi au même niveau que la stabilité des prix, contrôle calqué sur celui de la Federal Bank des États-Unis d’Amérique).

Le pacte de stabilité aujourd’hui caduc (exclusion des dépenses d’investissement relatives au traité de Kyoto du calcul des 3%, sanctions seulement en période de croissance)

Supprimer l’unanimité requise sur le « Paquet Monti » (taxation du capital et des pollutions)

3) Selon vous, jusqu’où va l’Europe ? (Turquie, Ukraine, pays du Caucase...) ?

L’Europe se définit surtout par des valeurs partagées ! La Turquie, ancien « Empire central » et berceau de la civilisation grecque et des premiers conciles chrétiens, y a toute sa place, dès lors qu’elle aura éliminé l’armée de ses institutions politiques, reconnu le génocide arménien, reconnu les droits de la minorité kurde. Le représentant des Kurdes de Turquie auprès des institutions Européennes figure d’ailleurs sur ma liste. La religion dominante en Turquie, en Albanie, en Serbie ou en Bosnie, ne doit pas entrer en ligne de compte : l’Europe sera laïque ou ne sera pas.

Au delà , la question des rapports, qui seront nécessairement étroits, avec la rive sud de la Méditerranée et le monde russe sera un des enjeux du XXIe siècle : association ou intégration ? la question est ouverte. Mais l’essentiel est qu’un pouvoir politique régule l’espace économique réel. La Turquie est en libre échange avec l’Union : un même dispositif politique, social, écologiste , doit donc englober la Turquie et l’Europe, pour éviter les délocalisations.



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