Le Parisien
Nous allons faire un malheur

3 juin 2004 par Alain Lipietz

Le polytechnicien Alain Lipietz, député européen sortant, conduit en Ile-de-France une liste verte.

Aux yeux de beaucoup, la campagne paraît patiner.

C’est une campagne en pièces détachées. Ce qui est en jeu concerne tous les citoyens européens : les OGM, la Charte de l’environnement, les problèmes budgétaires, les délocalisations, le mariage homosexuel, les brevets logiciels. Pourtant, personne n’arrive à faire comprendre que ça se décide à l’échelle européenne, que c’est aux députés européens de réguler, donc aux électeurs de décider. Comment, par exemple, réaménager le Pacte de stabilité budgétaire, qui n’est plus respecté ? C’est une affaire énorme : le financement des services publics en dépend. Mais qui en parle sérieusement ? L’une des solutions envisagée dans les instances européennes consisterait à sortir certaines dépenses ou emprunts du calcul des 3 % de déficit public autorisé. Les Verts, eux, militent partout en Europe pour que l’on soustraie du déficit les investissements qui concourent à la protection du climat, conformément aux accords de Kyoto : les transports publics, le ferroutage, l’isolation des maisons. En France, la droite propose, elle, que l’on défalque les dépenses militaires. Voilà un vrai débat. Il devrait être au coeur de cette campagne. Hélas !...

Pourquoi les Verts et le PS se sont-ils abstenus lors du vote à l’Assemblée de la loi sur l’environnement ?

La charte que propose Jacques Chirac est un texte au rabais par rapport à la directive sur la responsabilité environnementale que vient de voter le Parlement de Strasbourg. Le gouvernement a fait tout ce qu’il a pu pour affaiblir le texte européen. Pour avoir chez nous une vraie politique en faveur de l’environnement et de la santé, il faut donc combattre Raffarin en Europe comme en France.

Vous reprochez au PS de ne pas assez parler de l’Europe...

Le PS est drôle. Il est entré en campagne en appelant, comme la LCR, à donner une troisième claque à Raffarin. Et puis, il s’est rendu compte que, par rapport aux enjeux, c’était assez ridicule : ne vote-t-on pas pour un Parlement qui va organiser la vie quotidienne de 460 millions d’Européens, de la Laponie à Malte ? Le problème du PS est qu’il est englué dans le PSE (Parti socialiste européen) où le Parti travailliste et le Parti social-démocrate allemand défendent des options différentes des siennes. Seuls, les Verts français sont membres d’un Parti vert européen qui vient d’adopter un programme commun en 44 points, incluant des réformes précises en faveur de l’Europe sociale.

Samedi, Noël Mamère célébrera le premier mariage d’homosexuels , à Bègles . C’est vraiment le moment ?

Les Verts sont pour le mariage gay : c’est une vague de fond qui traverse toute l’Europe, contre les discriminations. Nous avions décidé, en avril, d’appuyer cette demande. Le hasard veut que cela tombe au beau milieu de la campagne européenne. Noël Mamère joue sa propre partition dans l’orchestre en décidant de célébrer un mariage dans sa mairie. Bon, on entend peut-être mal le reste de l’orchestre, mais il n’en est pas responsable. (Lire aussi page 9.)

Vous avez l’air un peu fataliste, sinon défaitiste...

Pas du tout ! Je pense que les Verts, seuls à défendre le même programme à travers toute l’Europe, vont faire un malheur. Car les gens comprennent que le social et l’écologie, ça se joue en Europe, et qu’il n’y a que les Verts qui se battent pour ça.

Propos recueillis par Philippe Martinat



Reproduction autorisée avec la mention © lipietz.net (http://lipietz.net/?article1327) (Retour au format normal)