Vert n° 6
Décroissance de quoi ?

avril 2004 par Alain Lipietz

Quand j’étais jeune, nos maîtres nous apprenaient à ne pas confondre "croissance" et "développement".

Croissance, c’est quantitatif : "plus de tout", plus de production, mais aussi plus d’accidents. Développement, c’est qualitatif : de meilleures relations entre les conditions de la production (éducation, infrastructure), et au fond de meilleures relations entre les gens ("Vol" est une racine indo-européenne qui signifie "boucle"). Mais bien sûr, il y a de bons et de mauvais développements. Ainsi, le modèle de développement de l’après-guerre en Europe présentait une boucle assez satisfaisante entre production et consommation. Mais voilà, il n’était pas "soutenable" à long terme (trop de croissance, de la pollution). Les Verts y opposent "l’écodéveloppement" ou "développement soutenable".

On croyait donc avoir tordu le cou à la vision quantitativiste du monde. A ceux qui nous parlaient de "croissance", nous répondions "croissance de quoi ?" C’est donc avec tristesse que je vois fleurir, contre le développement insoutenable, le slogan de la "décroissance". Décroissance de quoi ? Tous les experts s’accordent pour dire que la soutenabilité implique la décroissance des gaz à effet de serre, donc du trafic automobile...et donc la croissance des transports en commun, du rail, et donc des emplois correspondants...et de la production d’électricité !

Quand cesserons-nous de nous braquer sur la mesure de ce que nous produisons (éco-nomie) pour nous intéresser au sens de ce que nous produisons (éco-logie) ?



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