Manipulation d’embryons humains : le Parlement européen glisse vers l’approbation

19 novembre 2003 par Alain Lipietz

Le 19 novembre, le Parlement européen a voté la possibilité de financer, avec les crédits du 6ème programme cadre de recherche européenne, la recherche sur les cellules souches d’embryons humains (rapport Liese).

Il a écarté tous les amendements, notamment Verts, visant à limiter au moins la date de production de ces embryons, afin de réserver cette possibilité aux embryons surnuméraires déjà existants. Tous les arguments avaient été employés : juridiques (six États interdisent les manipulations d’embryons humains ; au nom de la subsidiarité il serait paradoxal que l’Union européenne les finance dans les autres pays), féministes (contre la production volontaire d’embryons surnuméraires, pour la dignité des femmes), etc.

La proposition de la Commission Industrie et de l’un des plus productivistes des travaillistes anglais, M. Bowe, l’a emporté.

Ce vote est un point décisif marqué par la majorité productiviste "droite - gauche" du Parlement. Il encourage en effet la production future d’embryons humains en vue de la recherche. Derrière se profile l’autorisation de clonage humain sous prétexte "thérapeutique", ultime étape avant le clonage reproductif.

L’ex-socialiste passé à la GUE, Gérard Caudron, ne s’y est pas trompé, saluant cette victoire par un communiqué : "Belle victoire de la science contre l’obscurantisme et fantastique espoir pour de nombreux malades atteints de maladies souvent incurables et terriblement douloureuses".

Cette obscène instrumentalisation de la douleur humaine est contredite par la plupart des chercheurs qui considèrent que la recherche sur les cellules souches adultes (prélevées sur n’importe quel tissu humain) est tout aussi prometteuse. Au contraire, ils n’est pas besoin de considérer que "l’embryon est une personne humaine" pour opposer de solides réticences à l’idée de réaliser des fécondations humaines dans le but de production de matières premières. À noter que les Verts flamands et les régionalistes ont hélas voté avec les "partisans de la Science".

Dans ce débat très délicat, le position de la France (depuis le gouvernement Jospin), approuvée par une partie des féministes, est d’autoriser la recherche sur les seuls "embryons excédentaires". Ces centaines de milliers d’embryons congelés, produits pour la plupart en excédant lors des FIVET, ont un statut très ambigu. Ils ne sont pas des "projets de vie humaine", et donc explicitement pas des "personnes humaines en puissance" mais des sous-produits biologiques non voulus (comme les cellules fécondées et embryons avortés).



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