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par Alain Lipietz | 25 mars 2010

Ce qui ne peut plus durer chez les Verts (ni Europe-Écologie)

Après le triple succès des élections européennes, législatives de Yvelines, et régionales, l’écologie politique semble enfin réussir une durable percée, jusqu’à incarner une alternative crédible aux partis traditionnels. Alternative à la fois culturelle et électorale : la richesse des débats dans telle ou telle région, ville ou canton, montre qu’Europe-Écologie agglomère en un « mouvement politique de masse » une large part du vivier militant qui se réfugiait jusqu’ici dans l’associatif, faute de supporter la « forme parti ».

Mais soyons honnêtes : cette joyeuse improvisation ne peut continuer dans le flou qui la caractérise depuis dix-huit mois, sur le socle commun d’une certaine vision du monde écologiste, altermondialiste, féministe et sociale, jusqu’ici suffisamment incarnée par les figures tutélaires de Dany, Eva, José, Michèle ou Philippe. La désignation des listes régionales, par exemple, a été vécue comme une terrible agression contre la culture démocratique des Verts et des associatifs. Déjà, des électeurs, mais aussi des militant(e)s, ont traîné les pieds aux régionales. La « boule-de-neige » lancée en 2009 court le risque de se transformer en essoreuse et de se fracasser sur les choix de 2012.

Pourtant les appels à consolider cette percée en dépassant le bricolage organisationnel se heurtent à de vives résistances, principalement chez des cadres verts, préférant rester les premiers dans leur village que les seconds à Rome. Ils s’appuient sur la compréhensible défiance des « vieux » militants contre ceux qui sont perçus comme des ouvriers de la onzième heure (même si leur militantisme associatif ou professionnel vaut bien celui de verts encartés de longue date !) La tentation du repli peut d’autant plus facilement se constituer en « bloc du refus » que le sentiment de délitement de la démocratie interne a coïncidé avec la formation d’Europe-Écologie.

Alors soyons clair : cette expropriation démocratique ressentie par les militants a pour cause réelle, non pas la « menace du dépassement des Verts », mais au contraire le maintien artificiel de la situation actuelle, laquelle a en outre aggravé des tares propres à l’organisation des Verts.

La dualité verts / non-verts a souvent permis à une sorte d’oligarchie de s’approprier, au nom du nécessaire « consensus » dans les accords diplomatiques, le monopole de arbitrages en matière de contenus programmatiques et de désignation des candidats. Cette oligarchie s’appuie sur un noyau de la direction (nationale et locale) des Verts, mais aussi sur quelques non-verts cooptés. C’était sans doute inévitable à l’origine, cela devient intolérable.

Mais il y a pire. On aurait pu espérer que l’arbitraire dans la cooptation se combinerait aux règles démocratiques très strictes internes aux Verts. Ce fut l’inverse, car le… ver était dans le fruit : la toute-puissance des « courants » chez les Verts, Le principe de « proportionnelle des courants », excellent quoique déjà problématique dans la gestion interne du parti, s’est trouvé étendu, à l’occasion de ces élections, à la désignation de leurs candidats éligibles. Dès la phase de sélection des candidats verts, les assemblées générales bruissaient de rumeurs satisfaites : « Le courant OAX a dealé avec le courant EEZ le soutien à deux candidats dans le département Plic-et-Ploc en échange d’une vice-présidence pour Machin. » Et si le militant de base (dans sa grande majorité indifférent au Bal des courants) se permettait de choisir en dehors des consignes (chose parfaitement légitime : on peut préférer Untel pour s’occuper du parti et Unetelle pour s’occuper des affaires publiques), des instances au nom exotiques réservées aux « chefs de courant » (CNE, CRE…) s’autorisaient à inverser à la main le résultat des votes, au nom bien sûr du « rééquilibrage », non pas de la parité femmes/hommes (ça, c’était bon jadis !) mais du poids national historique des courants ! Les non-verts assistèrent médusés à ces tripatouillages, et virent des candidats verts (mais pas seulement des Verts) à la candidature s’imposer jusque dans les commissions de désignation des candidats !

Cela ne peut plus durer. « Europe-Écolgie-Les Verts » (appelons ainsi le futur machin) doit se constituer en coopérative selon les principes « Une personne, une voix » et « Un but social commun ». Ce qui implique d’abord et avant tout une délimitation organisationnelle, si légère soit-elle, comme la membrane qui individualise une cellule, la fait « autonome » . Une cellule vivante, où l’existant (Les Verts, et pas seulement eux), tel un noyau, devra jouer un rôle organisateur, par la justesse de ses proposition et l’exemple de son travail, pour conduire son propre dépassement.

Ne prêtons pas l’oreille au sophisme : « D’abord le contenu du projet, puis les structures » : cela signifierait que l’oligarchie actuelle définit le contenu, sans contrôle ni participation. Le vrai problème est au contraire « Comment doter le Machin d’une structure, sans perdre ce qui en constituait la richesse : son ouverture à l’extérieur, à la société civile, aux professionnels engagés, aux miltitantes et militantes qui affluent, déçus des partis traditionnels et las des limites de l’associatif ? » Une membrane oui, pas une cuirasse. La cellule vivante de l’écologie politique doit rester absolument perméable aux fluides , aux nutriments de la société, pour synthétiser du projet à partir des aspirations diffuses à changer la vie, à sauver la Planète et recoudre une société déchirée. La « coélaboration avec l’extérieur » doit rester son principe de fonctionnement.

Car le temps presse. Les 50 % d’abstention, l’Alsace restée à droite, la Réunion et la Guyanne perdues (et le Languedoc-Roussillon) , le Front National comme aux plus mauvais jours : ce n’est pas la gauche qui a gagné les élections, c’est le sarkozysme qui les a perdues. Le compte à rebours et enclenché. La vraie bataille est pour 2012. Le débat préparatoire avec les partenaires socialistes et « front-de-gauchistes » occupera l’année 2011. Il reste l’année 2010 pour bâtir l’identité de l’alternative écologiste. Neuf mois : le temps qu’il faut pour porter au monde un être humain.




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